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Qu'est-ce que la vie?

D'où vient la vie?

 

 

Par Anicet Le Marre

 

Introduction

 

L'Homme ne naît pas Homme; Il le devient. Erasme(vers 1510).
On ne naît pas femme; On le devient. Simone de Beauvoir.

Il est un exercice que j'aime beaucoup et qui consiste à chercher dans les dictionnaires l'étymologie des mots. D'une part parce qu'une définition vous renvoie presque toujours à un autre mot et celui-là à un autre qui finit par dissoudre la raison de votre recherche première. D'autre part, il est toujours intéressant de constater l'évolution, les changements successifs de sens qu'ont pris les mots avec le temps et qui les mènent parfois à des sens fort éloignés de l'origine première. Il en est ainsi du mot vie.

On trouve chez Aristote une première esquisse de définition générale de la vie: "Parmi les corps naturels, certains ont la vie et certains ne l'ont pas. Nous entendons par vie le fait de se nourrir, de croître, et de dépérir par soi-même". Aristote dit encore que "la vie est ce par quoi le corps animé diffère de l'inanimé".

Pendant des siècles, l'absence de réponse pertinente à la question qu'est-ce que la vie? a permis l'échafaudage de multiples hypothèses, presque toujours liées à l'idée d'une intervention divine. Mais si la vie est un don divin, elle devrait être pure par nature; or la vie en se terminant par la mort voit le corps entrer dans un processus de décomposition, de putréfaction !


Germination d'un grain de haricot

La notion de putréfaction n'est guère compatible avec celle de pureté. Ce qui a amené les créationnistes, à distinguer entre le corps et une autre entité, qui elle, ne meurt pas avec le corps: l'âme. Dans ce système le corps-objet ne devient véritablement vivant que grâce à l'action vivifiante, ou vitalisante de l'âme, reçue en don à la naissance. A la mort, l'âme quitte le corps qui disparaît progressivement tandis que l'âme, immortelle, rejoint sa divinité originelle. Ce système qui admet la coexistence de deux principes irréductibles, le corps et l'âme, s'appelle le dualisme.

En 1800, Bichat (médecin français fondateur de l'anatomie générale, dont un hôpital parisien porte le nom) a commencé ses recherches physiologiques sur la vie et la mort par la formule célèbre: "La vie est l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort."
Le Dictionnaire de médecine de J. Capuron (1806) définit l'âme comme étant le "Principe interne de toutes les opérations des corps vivants; plus particulièrement du principe de la vie dans le végétal et dans l'animal. L'âme est simplement végétative dans les plantes et sensitive dans les bêtes; mais elle est simple et active, raisonnable et immortelle dans l'homme."
En 1838, le philosophe Auguste Comte considérant que "l'idée de vie est réellement inséparable de celle d'organisation", entamera la démystification du concept de vie.

Plus récemment, la vie tend à être définie par référence à sa fin: la mort. Ainsi le Petit Larousse définit la vie en 1960 comme le "résultat du jeu des organes, concourrant au développement et à la conservation du sujet". En 1993, la version électronique du Larousse précise que la vie est "l'ensemble des phénomènes biologiques communs aux êtres organisés, qui évoluent de la naissance à la mort".
Selon Hachette en 1997 la vie est "l'ensemble des phénomènes assurant l'évolution de tous les organismes animaux et végétaux depuis la naissance jusqu'à la mort".

Si le dualisme, cher à Descartes, ne fait plus aujourd'hui autorité, il continue cependant à faire encore recette. Dans bon nombre d'esprits la vie reste empreinte de mystère et indubitablement liée à une autorité supérieure, d'ordre religieux. "C'était sans doute son heure !" est une phrase souvent entendue pour évoquer la mort de quelqu'un qu'on connaît de loin. Ceux qui croient en une religion utilisent volontiers la formule: "Il a été rappelé… ", ou évoquant leur propre mort: "Je partirai quand on viendra me chercher !".

Nous savons aujourd'hui que la matière vivante se distingue essentiellement de la matière inerte par la présence d'une molécule, que l'on pourrait appeler molécule de la vie: la molécule d'ADN. Est vivant ce qui contient en son sein une molécule d'ADN.

Cependant, cette molécule n'est pas apparue, comme ça, du jour au lendemain. Nous savons également que la vie est issue d'un très long processus évolutif de combinaisons et de recombinaisons de la matière. Il a été très difficile d'abandonner nos croyances pour adhérer à ce constat, et bon nombre de nos concitoyens ne l'admettent pas encore. Même lorsque nous l'admettons, et que nous remontons le temps jusqu'à son origine, le Big-Bang, nous nous interrogeons toujours sur ce qu'il pouvait bien y avoir avant ce fameux Big-Bang.

 

Qu'y avait-il avant?

Les recherches sur l'origine de l'Univers et sur l'origine de la Vie ont progressivement amené la quasi totalité des scientifiques à se rallier à la théorie du Big-Bang, considérée aujourd'hui comme l'hypothèse la plus plausible. C'est, en tout cas, une théorie qui voit ses lois se confirmer au fur et à mesure de la progression des recherches et des découvertes.


Une représentation du Big Bang

Selon cette théorie, le Big-Bang constitue l'origine, aussi bien pour la matière que pour le temps et pour l'espace. La théorie permet dès lors d'expliquer, et même de justifier, le déroulement de tout ce qui se passe depuis cet instant jusqu'à aujourd'hui: expansion de l'Univers, organisation de la matière, déroulement du temps, évolution... et, au bout du compte, apparition de la vie. La théorie permet aussi de modéliser le futur suivant deux hypothèses principales: soit l'Univers continuera son expansion sans fin, en passant par différentes phases de regroupements/séparations de la matière et en se refroidissant progressivement jusqu'au zéro absolu. Soit l'expansion va ralentir, se stabiliser avant d'entamer une phase nouvelle de contraction qui ramènerait l'Univers vers son point de départ. Ce serait alors le "Big-Crunch". Cette deuxième hypothèse est battue en brèche depuis que l'on a pu mesurer que l'expansion de l'univers est en accélération constante et non en ralentissement.

La théorie du Big-Bang est tout à fait compatible avec les lois qui gouvernent la matière et celles qui relient la matière à l'espace et au temps. Reste toujours posée la question: Et avant le Big-Bang, y avait-il quelque chose? Et s'il y avait quelque chose, d'où viendrait ce quelque chose?

La matière existait déjà à l'instant initial. Les lois de la physique nous enseignent, en effet, que la matière ne peut pas naître de rien! ou alors il faut remettre en cause bon nombre de ces lois, qui pourtant, nous permettent aujourd'hui de comprendre le monde et la vie. Mais cette matière était dans un état de concentration extrême, de densité extrême, de température extrême, d'agitation extrême… qu'il est impossible de l'appeler matière, au sens que nous donnons aujourd'hui à ce mot. Tout était extrême sans que l'on puisse dire exactement ce que veut dire extrême à cet instant initial. Parler de matière à ce point origine est probablement abusif et constitue une rétro projection des concepts que nos cerveaux ont l'habitude d'élaborer à partir des données puisées dans le présent ou le passé proche.

Plutôt que de parler de matière concentrée, il conviendrait sans doute mieux de parler d'énergie. Einstein établira d'ailleurs, en 1907, sa fameuse formule d'équivalence entre matière et énergie en postulant que la masse (M) d'un corps est la mesure de son contenu en énergie et en posant sa fameuse équation, E = MC2, reliant les concepts d'énergie et de masse. Cette équation suppose que la matière M peut se convertir en énergie E sous certaines conditions (C, comme célérité, est la vitesse constante de la lumière).

Avec le Big-Bang tout change, d'un seul coup, en une fraction de milliardième de seconde ! L'énergie se convertit partiellement en matière, le temps commence, l'espace commence et la matière s'y répand...

Mais si le temps commence, si l'Univers commence son expansion et son organisation, pourquoi n'y aurait-il rien, ni matière ni temps, avant ce point de départ ? Les scientifiques, comme Hubert Reeves, tentent de nous expliquer qu'on ne peut pas parler d'avant, puisque parler d'avant revient à déplacer l'origine du temps antérieurement au Big-Bang. Or le temps commence avec le Big-Bang; il ne peut donc être déplacé avant lui-même, et parler d'avant n'a pas de sens !

Je dois avouer pour ma part que cette "explication" n'en est pas une et qu'elle est peu convaincante, c'est-à-dire peu apte à stopper mes interrogations. Je conçois que le temps, de même que l'espace, qui nous sont maintenant familiers, soient nés avec le Big-Bang. Mais je conçois aussi que l'ensemble indissociable "matière-énergie-espace-temps" constitue un système de référence dans lequel nos cerveaux découvrent des lois et les utilisent pour progresser dans la connaissance. Mais tant que nos cerveaux se sauront utiliser que les lois inhérentes à notre système de référence, ils pourront certes continuer à faire des découvertes, mais celles-ci resteront internes au système pris pour référence. On comprendra de mieux en mieux le système, mais elles ne permettront pas de sortir du système ! Ce qui, à mon humble avis, amène Hubert Reeves à dire que tout ce qui sort du système (induit par la théorie du Big-Bang) n'a pas de sens. N'a pas de sens, en particulier, l'idée d'un avant Big-Bang.


Reflets à l'infini d'une image dans un miroir

Mais tout devient possible, tout devient ouvert, si l'on conçoit que notre système de référence n'est qu'un système parmi d'autres possibles, celui que nous connaissons de mieux en mieux certes, mais qui peut se révéler un système circonscrit, un système fini, un système qui peut se juxtaposer à d'autres (systèmes complémentaires) ou s'inclure dans un système plus vaste.

La métaphore suivante pourra peut-être mieux faire comprendre mon propos: Lorsqu'un homme et une femme s'unissent pour créer un être nouveau, l'être nouveau en devenir ne peut pas (dans notre capacité actuelle de conceptualisation en tout cas) avoir la notion du temps ni de l'espace. Il ne peut acquérir ces notions avant d'acquérir sa propre existence. L'être en devenir acquiert son existence en devenant œuf par union d'un ovule et d'un spermatozoïde, puis fœtus, puis nouveau-né, puis être pensant et finit par acquérir la notion du temps et de l'espace. Pendant toute la période où il ne possédait pas la capacité de concevoir temps et espace, ce temps et cet espace existaient bien, néanmoins: ses géniteurs pourront en attester.

Nos cerveaux acquerront, peut-être un jour, une maturité suffisante pour comprendre que notre système de référence n'est plus le centre de l'explication de notre Univers, de même que l'Homme a découvert qu'il était le résultat de l'évolution et non pas le centre de la vie sur Terre, que la Terre n'était pas non plus le centre de l'Univers. Dans cette attente il serait sage que l'Homme se fasse plus modeste et plus humble, qu'il ne veuille trouver d'explication à tout prix, qu'il renonce à les inventer pour se rassurer devant la peur du non connu, qu'il renonce à la science-fiction (sauf s'il s'agit de se divertir).

Pourtant, il est difficile à certains d'accepter le vide de connaissance sur l'avant Big-Bang. Le vide leur fait peur et ils éprouvent le besoin de le remplir à tout prix, pour se rassurer. Ils tentent alors de le combler en émettant l'hypothèse d'une puissance extérieure à l'Univers, gratifiée d'un degré encore supérieur à la matière, à l'espace et au temps, une "main" extérieure, une super-puissance qui serait dotée du pouvoir de créer l'espace, la matière et le temps, et bien sûr l'Homme et son environnement.

Pourtant nous savons que nous ne pouvons pas tout savoir; et en tous les cas, pas tout savoir à un moment donné. Ce sont les progrès des sciences qui permettent d'accroître le savoir, d'aller toujours plus loin dans les degrés de la connaissance. Il faut se rappeler qu'il y a encore peu, nous étions persuadés que la Terre était le centre de l'Univers et que le Soleil notamment tournait autour d'elle... Grâce à la science, nous savons aujourd'hui que c'était faux. Un jour peut-être pourrons nous percer le mystère de l'avant Big-Bang. Mais avant de savoir, la sagesse consiste à admettre une part de non-savoir; à reconnaître, en somme, les limites de l'Homme, plutôt que d'y mettre, à tout prix, un quelconque dieu dont on ne sait rien non plus!

Aussi, pour être moins catégorique, et plutôt que de dire que le Big-Bang est le point de départ de l'Univers, peut-être serait-il plus sage et plus modeste de dire que le Big-Bang est le début de notre connaissance de l'Univers, le point ultime qui marque la limite de la progression du savoir; l'horizon de la connaissance, comme disent parfois les savants, horizon au-delà duquel nous ne voyons plus rien.

Remarquons par ailleurs, que l'hypothèse d'une super-puissance, ou d'un dieu à l'origine de l'Univers n'explique rien de plus que la science et ne fait que déplacer d'un degré la question fondamentale qui demeure: Et si un créateur existe, avant ce créateur qu'y avait-il? C'est ce que traduit la question aussi pertinente que naïve entendue dans la bouche d'un enfant de dix ans : "Et dieu, comment a-t-il fait pour se créer tout seul ?"

Mais abandonnons la métaphysique pour revenir aux considérations physiques et biochimiques du processus qui a fait apparaître la vie sur terre.

 

La vie est née dans l'eau

Dans son livre Poussières d'étoiles, Hubert Reeves explique que "[...] comparées aux très hautes températures du coeur de la terre, ou aux très basses températures de l'espace sidéral, la température au sein des océans peut être considérée comme tiède. De plus ses variations sont modérées. Enfin, par rapport au vide de l'espace, où les rencontres interparticulaires étaient relativement peu fréquentes, l'eau, en concentrant la population particulaire, a augmenté considérablement les chances de rencontre, et donc la probabilité de créations de nouvelles "espèces" de particules".

Pour Joël de Rosnay, ce sont les lacs, les lagunes et les mares qui seraient les lieux les plus propices au développement de ces assemblages précurseurs de la vie.

Toujours est-il que c'est dans l'eau que des molécules simples issues de l'espace vont rapidement (il faudra tout de même cinq cent millions d'années) donner naissance à des assemblages de plus en plus complexes entre atomes de carbone, d'oxygène, d'hydrogène et d'azote pour donner ce que l'on appelle la matière organique.


Les constituants de la maière organique

Nous approchons de ce qu'aujourd'hui nous considérons comme le "premier pas de la vie" car de ces assemblages naîtra la molécule d'ADN , cette molécule composée, à partir de quatre "lettres" principales , comme une très longue phrase qui possède, entre autres caractéristiques, la propriété fondamentale de se répliquer par elle même et à son identique. Rappelons-nous cependant, qu'à cette époque, nous sommes encore distants d'aujourd'hui par 3,5 milliards d'années. Mais, de l'autre côté du temps, cela fait tout de même 12 milliards d'années que le Big-Bang a eu lieu.

Au cours de ces 3,5 milliards d'années, l'évolution va continuer; des bactéries unicellulaires sont déjà présentes, elles se nourrissent et se reproduisent. Les éléments vont continuer à se rencontrer, parfois s'additionner, en tous cas se complexifier, pour donner naissance à de nombreuses espèces se nourrissant toutes du milieu marin.

Les espèces évoluent, s'organisent, se structurent et se complexifient. Bientôt certains poissons, batraciens, et sauriens sont capables de s'affranchir de leur milieu aquatique pour... coloniser la terre ferme.

Dès lors, les diverses formes que prendra la vie, se rapprocheront de ce que nous connaissons aujourd'hui. Nous entrons dans ce que l'on pourrait appeler l'ère de la "vie contemporaine". On estime que celle-ci a commencé il y a 250 millions d'années!

A ceux qui sourient lorsque je qualifie de contemporaine une époque lointaine de 250 millions d'années, je rappelle qu'il faut relativiser les durées, et qu'à cette époque, le Big-Bang est déjà vieux de 60 fois 250 millions d'années!

Le rôle de l'Evolution

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