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La laïcité

La laïcité selon l'Etat
Laïcité ambiguë
Le mélange des genres
Laïcité et école
Se dégager de toute religion

 

C'est la Révolution française qui a posé les bases de la séparation entre les Eglises et l’État. De cette séparation naîtra le principe de laïcité.

La laïcité est un des principes de la République, inscrit dans la Constitution dès son article 1: "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances".

Ainsi donc, la laïcité est présentée comme double rempart pour le citoyen

  • contre les assauts qui pourraient venir de la religion ou des religieux (La République est laïque, donc séparée de toute religion)
  • et contre les assauts qui pourraient venir des non-religieux, voire de l'Etat lui-même, en raison de la religion ou des convictions du citoyen (La République respecte toutes les croyances).

"La laïcité implique la neutralité de l'Etat et impose l'égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou conviction.

La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d'expression de leurs croyances ou convictions. Elle assure aussi bien le droit d'avoir ou de ne pas avoir de religion, d'en changer ou de ne plus en avoir.

Elle garantit le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion : personne ne peut être contraint au respect de dogmes ou prescriptions religieuses.

La laïcité implique la séparation de l'Etat et des organisations religieuses. L'ordre politique est fondé sur la seule souveraineté du peuple des citoyens, et l'Etat -qui ne reconnaît et ne salarie aucun culte- ne régit pas le fonctionnement interne des organisations religieuses. De cette séparation se déduit la neutralité de l'Etat, des collectivités territoriales et des services publics, non de ses usagers.

La République laïque impose ainsi l'égalité des citoyens face à l'administration et au service public, quelles que soient leurs convictions ou croyances.

La laïcité n'est pas une opinion parmi d'autres mais la liberté d'en avoir une. Elle n'est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l'ordre public."

Source: Observatoire de la laïcité https://www.gouvernement.fr/qu-est-ce-que-la-laicite

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Une laïcité ambiguë

 

Une telle présentation de la laïcité ne reflète pas une franche séparation entre l'Eglise et l'Etat mais plutôt une sorte de divorce amiable avec poursuite d'une cohabitation floue. D'ailleurs, et durant des décennies, la France n’a pas réellement éprouvé le besoin de dissiper ce flou.

C'est pour cette raison qu'après l'assassinat de Samuel Paty le 16 octobre 2020, 48 personnalités ont réclamé de nouvelles institutions pour défendre "une laïcité pleine et entière".

 

Flou dans la définition de la laïcité

 

Ce que disent les dictionnaires sur le mot laïc:
Littré: Qui n'est ni ecclésiastique ni religieux.
Robert: Qui ne fait pas partie du clergé. Indépendant des religions, des confessions religieuses. (La société laïque, par opposition au clergé)

Le terme laïc est dérivé du grec laikos: "du peuple" et du latin laicus: "commun, ordinaire, du peuple", en opposition à klerikos, "clerc". Une société laïque désigne une société qui n'est pas sous la domination ou l'influence d'un clergé.

Les termes de "Séparation des Eglises et de l'Etat" objet de la loi de 1905 consacrent un complet divorce entre la République et les autorités religieuses. Mais, dans les faits, nous avons plutôt affaire à une "séparation molle" qui se traduit par une neutralité bienveillante, certes favorable à la liberté d'expression religieuse et d'exercice des cultes, mais qui laisse aussi la porte entr'ouverte aux interprétations partisanes et surtout à des dérives.

Selon Vie Publique (site internet français, produit, édité et géré par la Direction de l'information légale et administrative): "La loi de 1905 met fin au régime des cultes reconnus : il n’y a plus de religion recevant une consécration légale et tous les cultes sont sur un pied d’égalité".

Sauf que la religion catholique a droit à un régime de faveur:
Ayant refusé l'adoption du statut d'association cultuelle (acceptée par tous les autres cultes), l’Église catholique obtient (en 1923) la création du statut spécial d’association diocésaine, dont l’objet est restreint à "subvenir aux frais et à l’entretien du culte catholique". Frais et entretien du culte, mais pas des lieux de culte, qui sont gracieusement mis à disposition de ces associations diocésaines, l'Etat restant propriétaire des dits lieux et continuant à assumer la charge de l'entretien de l'immobilier!!

On pourrait presque comprendre ce "divorce amiable" et cette neutralité à la double condition que le libre exercice du culte se fasse scrupuleusement "sous réserve du respect de l'ordre public" et que l'on soit en présence d'un seul culte. Une telle neutralité tacite a pu suffire à la laïcité pendant des décennies, tant que nous n'étions en présence que de la quasi seule religion catholique.

Mais aujourd'hui (depuis les années 1990) nous nous trouvons en présence d'autres religions: islam, protestantisme, bouddhisme, judaïsme... qui revendiquent l'égalité de traitement avec le catholicisme et qui, pour se faire entendre, développent des communautarismes pouvant évoluer vers le séparatisme, mettant ainsi en danger la cohésion et l'unité de la nation.

Face à un communautarisme revendicatif, l'Etat laïc ne peut plus se contenter d'une simple neutralité. Il doit arbitrer et, au besoin, légiférer pour résoudre les conflits naissants afin de faire passer l'intérêt national avant les intérêts de communautés particulières.


Quelques exemples de situations ambiguës posées par le multiconfessionnalisme:
  • Faut-il abolir ou réduire les jours fériés catholiques hérités de l’histoire et reconnaître de nouveaux jours fériés pour l’islam et le judaïsme?

  • Faut-il imposer un menu unique dans les cantines scolaires ou proposer systématiquement un menu de substitution quand un plat contenant du porc est servi ?

  • Faut-il cesser le financement de l’entretien des lieux de culte catholiques antérieurs à 1905 ou admettre également le financement public de mosquées?

NB: Les édifices cultuels catholiques construits avant 1905 sont devenus propriété des communes qui ont donc obligation d'entretenir, sur les deniers publics, "le clos et le couvert" tout en abandonnant l'utilisation gratuite des lieux au bon gré des seuls desservants Un desservant est un ecclésiastique qui dessert une cure, une chapelle, une paroisse....

  • Faut-il interdire le port de vêtements et/ou de signes religieux ostentatoires à l'école et dans les lieux publics?

  • Faut-il interdire les crèches de noël dans les mairies?
  • Etc...

 

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Ambiguë dans son application

 

Un Etat laïc, et tout particulièrement en raison de la neutralité dont il se réclame, ne devrait pas autoriser le mélange des manifestations religieuses quelles qu'elles soient avec les manifestations de l'Etat. Faute de quoi le principe de laïcité n'existe plus.

C'est pourquoi il est anormal que des représentants de l'Etat, ou des élus du peuple, se rendent publiquement, et non à titre privé, dans des lieux de culte, et participent à des manifestations comme des obsèques religieuses, des inaugurations d'édifices religieux, ...


30.09.2019, Obsèques religieuses de J. Chirac

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26.06.2018 Macron est reçu par le Pape François, non à titre privé, mais en tant que Président de la République Française.


Septembre 2012, François Hollande et Angela Merkel à la cathédrale de Reims pour célébrer le 50e anniversaire de la réconciliation franco-allemande.


Juin 2010, François Fillon, premier ministre, inaugure la nouvelle mosquée d'Argenteuil.


11.01.1996, Obsèques religieuses de F. Mitterrand

De même, une crèche de noël représentant la nativité est un signe manifeste de la religion catholique. Dès lors, sa présence dans tout lieu public constitue, non seulement une entorse à la laïcité, mais aussi une discrimination vis-à-vis des autres religions.


Décembre 2018. Crèche de Noël à la mairie de Béziers

Implication de l'Etat dans la reconstruction de la cathédrale N-D de Paris après son incendie le 15 avril 2019.


7 .12. 2024: réouverture de la cathédrale N-D de Paris
et inauguration en grandes pompes par le chef de l'Etat.

 

Pour les mêmes raisons, le port de signes religieux ostensibles dans les lieux publics devrait être purement et simplement banni, qu'il s'agisse de niqab, de burqua, de croix catholiques ou autres médailles et signes discriminants.


Mauvais exemple :

Le 09.04.2018 Emmanuel Macron au cours d'un discours devant la Conférence des évêques de France au collège des Bernardins à Paris: "Nous partageons confusément le sentiment que le lien entre l'Église et l'État s'est abîmé et qu'il nous importe, à vous comme à moi, de le réparer".

Or selon la loi de 1905 qui a établi le principe de séparation des Eglises et de l'Etat la République ne reconnait aucun culte.

Une telle prise de position n'est pas celle du citoyen Macron mais celle du Président de la République. Elle engage la République. Elle constitue non seulement un retour en arrière sans précédent, mais aussi une atteinte gravissime à la laïcité.

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Laïcité et école

Le combat pour la laïcité s'est souvent focalisé sur la lutte entre l’école publique et l’école privée. La laïcité à l’école publique s’est peu à peu imposée, sans cependant remettre en cause l’existence d’écoles privées (loi Falloux, 1850).

La loi Debré de 1959 constituera un retour en arrière sur la laïcité - une contradiction, même - et contribuera à affaiblir à nouveau la laïcité en permettant à l'Etat de subventionner les écoles privées sous contrat.

Avec environ 8 millions de musulmans l’Islam est la deuxième religion de France. Forte de ce nombre, l'islam est tentée de reprendre l'avantage avec des questions comme le port du foulard dit islamique, manifestation symptomatique d'une question plus importante: la contestation du modèle républicain et la revendication de droits spécifiques, au sein même de l'enceinte scolaire...
La morale laïque y perd en visibilité; elle a du mal à remplir son rôle de repère et de fédérateur national.

Pourtant, selon un sondage IFOP du 09.12.2015, les français restent très attachés au principe de laïcité qu'ils jugent important aussi bien à l'école (87%) que pour l'identité de la France (84%). Mais la laïcité leur apparaît aujourd'hui beaucoup plus en danger (81%) qu'il y a dix ans (58%).

Ils adhèrent à 85% à la loi interdisant le port de signes religieux ostensibles à l'école et ne sont plus que 23% à voir d'un bon oeil l'autorisation de construire des lieux de culte.

La contradiction:
Comment l'Etat peut-il affirmer sa laïcité en énonçant d'une part que "
La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte (Loi de 1905 article 2)" quand il subventionne d'autre part le financement des enseignants des écoles confessionnelles sur le budget de l'Education Nationale?

 

La laïcité à l'école est à nouveau mise à rude épreuve le vendredi 16 octobre 2020 avec l'assassinat et la décapitation abominable de Samuel Paty, professeur d'histoire et géographie à Conflans-ste-Honorine, par un islamiste radicalisé via internet et les réseaux sociaux:

On ne peut plus enseigner librement dans les écoles
la liberté d'expression, ni donc la laïcité.

Un hommage national ne suffit pas pour restaurer une vraie laïcité.

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Se dégager complètement du pouvoir de toute religion


Ce que voulaient les révolutionnaires, à l'origine de la séparation des Eglises et de l'Etat, c'était bien plus que la liberté pour les citoyens d'avoir des convictions, bien plus que le simple droit de choisir leur religion. Ils voulaient reprendre à la religion tout le pouvoir qu'elle exerçait sur les citoyens depuis des siècles.

Pourtant, il faudra attendre les lois Ferry pour rendre l'école gratuite (1881), l'instruction obligatoire et pour imposer un enseignement laïc dans les établissements publics (1882).

Et patienter encore jusqu'en 1905 pour que la République s’affirme laïque et que la religion soit définitivement(?) reléguée au domaine privé. L'article 2 de cette loi ne reconnait aucun culte.

LOI de 1905 Article 2: La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.

 

Pour être réellement laïc, donc libre et indépendant, l'Etat n'a pour seul choix que de s'affranchir complètement de TOUTE religion.

Or l'Etat ne s'affranchit pas de toute religion. Il se contente de faire preuve devant chacune d'elle de non discrimination. L'article premier de la Constitution est éloquent en la matière: Il affirme que "la France est une République [...] laïque [...qui] assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction [...] de religion."

C'est donc bien qu'il ne se sépare pas des religions. Il se contente de les mettre toutes sur le même pied d'égalité.

 

 

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Le saviez-vous?

  • Depuis la loi de 1905, les sonneries des cloches sont réglées par arrêté municipal. Le maire règle "les cloches des églises dans l’intérêt de l’ordre et de la tranquillité publique".
  • La loi de séparation des églises et de l'Etat de 1905 ne s'applique pas à l'Alsace et la Moselle du fait de leur rattachement à l'Allemagne lors du vote. L'Etat y reconnaît et organise les cultes catholique, luthérien, réformé et israélite et permet à l'Etat de salarier les ministres de ces cultes. Les ministres (prêtres, pasteurs, rabbins…) des quatre cultes reconnus sont des fonctionnaires payés par l'Etat (Ministère de l'Intérieur). L'accord Lang-Cloupet de 1993 a aligné la rémunération des évêques sur celle de la catégorie A de la fonction publique française. Les évêques de Metz et Strasbourg sont nommés par décret du président de la République après accord du Saint-Siège.
    Bénéficient également d'un statut dérogatoire: Mayotte, la Guyane, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie et Wallis-et-Futuna.

Pour aller plus loin: voir la page consacrée à la religion

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