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Changer
de bocal pour
Changer
la société
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La
communication

Par Anicet Le Marre
Ce
n'est pas parce que je me tais
que
je n'ai rien à dire!
La
communication constitue une distinction fondamentale entre le vivant
et non vivant.
A
l'intérieur d'un minéral, la structure est figée; un caillou reste
un caillou. Même lorsque l'on regarde en détail on constate que
les atomes sont bien arrangés entre eux dans une structure immuable.
Seul un électron qui gravite autour de son noyau peut s'échanger
avec un électron d'un noyau voisin, mais cela n'aboutit jamais à
la modification de la structure; cet événement qui n'a consisté
qu'en l'échange d'un électron contre un électron identique n'a rien
modifié à la structure qui reste stable.
Or
dans le monde du vivant il y a communication, sous des multitudes
de formes, et cette communication vise précisément un objectif de
modification, un objectif dynamique, un objectif vivant.
Ainsi,
chez les plantes, les gamètes mâles empruntent-ils différents moyens
de communication, différents vecteurs (gravité, vent, eau, insectes,
etc.) pour aller féconder une autre plante distante. Elles sont
même capables d'émettre des signaux (parfums, couleurs,…) pour attirer
les média (insectes, oiseaux) qui transmettront leur message vers
les cibles où elles ne peuvent elles-mêmes se déplacer.
Dans
le domaine animal, les fourmis nous fournissent un autre exemple
de communication éloquent : elles sont capables de baliser un chemin
grâce à leurs phéromones, véritables médiateurs chimiques, qu'elles
émettent en quantité infime, mais qui seront reconnus par les autres
fourmis comme un message. De telles phéromones odorantes sont également
sécrétées par certains papillons femelles afin d'attirer les mâles
à grande distance. Chez les abeilles, la sécrétion de phéromone
par la reine empêche le développement des ovaires des ouvrières.
Si l'apiculteur enlève la reine, les phéromones royales s'estompent
petit à petit et disparaissent complètement ; les ovaires de quelques
jeunes ouvrières se mettent alors à grossir, ce qui leur permet
de remplacer la reine. Ces dernières, se mettent à leur tour à émettre
leurs propres phéromones pour éviter que toutes les ouvrières ne
deviennent reines, ce qui causerait la mort de la colonie entière
puisque alors, il n'y aurait plus que des reines et pas d'ouvrières
pour aller récolter le pollen nourricier.
On
pourrait multiplier les exemples ; la communication est une caractéristique
du vivant. Mais nous nous limiterons ici à la communication entre
êtres humains.
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Petite
théorie sur la communication
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Un
être E (émetteur) a une idée; il souhaite la partager avec un autre
être R (Récepteur). Pour ce faire, il doit transmettre à R le contenu
entier de son idée: il doit communiquer, chose somme toute assez
courante et même banale. Dans bien des cas cependant, nous sommes
amenés à constater que sous l'apparente banalité se cachent des
phénomènes d'une extrême complexité. Sinon comment expliquer le
sentiment si souvent vérifié de l'incompréhension? On peut schématiser
la communication par la représentation simplifiée suivante:

Si
nous décomposons cette séquence en séquences élémentaires nous découvrons
que les choses sont un peu plus complexes:
En
premier lieu si l'émetteur E veut transmettre rigoureusement son
idée, il lui faut, au préalable, définir rigoureusement le contenu
de l'idée, ainsi que ses limites (son contour) de façon à bien exprimer
l'idée et elle seule, sans "parasites" qui affecteraient l'idée
et la rendraient moins nette. Si l'idée peut être transmise par
des mots, E doit alors choisir rigoureusement les mots appropriés
pour coder son idée avec précision. Déjà, on se rend compte de la
difficulté qu'il y a à coder une idée avec précision et rigueur,
un mot ne voulant pas dire exactement la même chose que l'un de
ses synonymes. En résumé, pour réunir toutes les chances d'une bonne
communication il faut s'attacher à bien concevoir l'idée de départ.
Nos instituteurs le savaient bien et se plaisaient à répéter que
"ce qui se conçoit bien s'énonce clairement". Il s'agit donc, en
premier lieu, de bien concevoir l'idée.
En
second lieu, les mots choisis pour définir l'idée devront être prononcés
par l'émetteur, avec une intonation, une force variable en fonction
de l'importance que E voudra donner à tel aspect de l'idée, ou à
la relativité qu'il voudra donner à tel autre, ceci afin de corriger
le manque de précision du mot servant de vecteur. Nous voyons bien
ici également la difficulté de trouver les modulations idéales permettant
de ne rien dénaturer de l'idée à transmettre.
Puis
vient la phase où le récepteur R reçoit le codage phonique de l'idée.
Il est bien évident que pour une réception parfaitement identique
à l'émission il est obligatoire que R donne aux mots reçus le même
contenu que celui que E y a mis. Dans la pratique ceci n'est jamais
que très imparfaitement réalisé, E et R n'étant que rarement des
jumeaux homozygotes qui auraient appris les mêmes mots dans les
mêmes contextes, de telle sorte qu'un mot quelconque émis par l'un
veuille dire exactement la même chose que ce qui est reçu par l'oreille
de l'autre! Au cours de la transmission de l'idée, entre la bouche
de E et l'oreille de R, il va y avoir dénaturation, perte d'une
partie du sens initial.
Vient
ensuite la phase de "traduction" par le récepteur des mots reçus
(entendus); ici encore la traduction sera sous la dépendance de
l'ensemble du contexte culturel qui a accompagné les mots depuis
leur apprentissage et tout au long de leur affinage. Il s'en suivra
inéluctablement une perte de sens.
Pour
être plus concret, prenons l'exemple du mot argent prononcé par
E, que nous allons supposer issu d'un milieu social pauvre, et reçu
par R, que nous supposons issu d'un milieu aisé. Le mot argent ne
peut pas avoir les mêmes attributs pour E et pour R. La transmission
d'une idée incluant ce mot sera obligatoirement déformée puisque
E et R n'y mettront pas le même contenu.
En
outre, le décodage par le récepteur R dépend bien évidemment de
l'état de réceptivité de celui-ci. Il faut tout d'abord que R soit
disponible à 100 % pour écouter le message, faute de quoi la réception
ne sera que partielle ou brouillée. Il convient ensuite que R ait
un intérêt pour le sujet contenu dans l'émission. Enfin, il faut
que le locuteur présente lui-même un intérêt pour le récepteur,
afin que le contenu de l'émission puisse être pris en considération.
Finalement,
il paraît bien difficile que toutes ces conditions soient réunies
simultanément. Même en prenant un maximum de précautions depuis
la conception de l'idée par E, jusqu'au décodage et à la compréhension
par R, il y aura inéluctablement perte d'information, modification
du contenu de l'information; ce que l'on peut résumer par le schéma
suivant:

Pertes
et déformations au cours de la communication
On
notera par ailleurs que la communication ne passe pas que par la
parole: Entre deux êtres qui communiquent, le regard joue certainement
un rôle important. Le regard est en effet le premier moyen de communication
entre deux jeunes amoureux. Il l'est aussi entre deux étrangers
qui ne connaissent aucun mot de la langue de l'autre. Il l'est encore
entre un chien et son maître. Dans les écoles de vente on apprend
à décrypter le regard de ses partenaires commerciaux et à accompagner
nos paroles d'un regard approprié de façon à être plus convaincant.
Comme
on peut le voir, la communication est un art bien difficile ! Nous
venons de voir que communiquer c'est échanger, le mieux possible,
de l'information. Mais de quoi est faite
l'information ?
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L'information
: ce que nous avons à communiquer
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Parler
ne suffit pas,
si personne n'entend.
Lorsque
j'étais enfant, et même bien plus tard, je rêvais de pouvoir
communiquer avec mon environnement - et pas seulement avec les autres
humains - sans avoir à parler; juste en émettant une pensée. Cette
pensée serait alors transmise à autrui, telle quelle, à l'état pur,
sans la traduire, sans la déformer. Et je pourrais alors me faire
comprendre exactement, sans qu'il soit besoin d'interpréter ma pensée
et sans que j'aie besoin d'interpréter moi-même la pensée des autres
qui me parviendrait.
Chacun
aurait ainsi la version véritable de la pensée d'autrui; le mensonge
ne pourrait plus exister, ni même le maquillage de la vérité. Je
pourrais aussi bien savoir ce qu'on pense de moi dans mon entourage
humain, que ce que veut dire le chant des oiseaux, le meuglement
d'une vache, ou le mutisme du poisson. D'autres que moi ont probablement
connu ce désir puisqu'il en reste une expression encore assez usitée:
lire dans les pensées.
Le
sens que nous attribuons le plus immédiatement à l'information est
le sens qui se trouve dans les mots écrits sur les pages d'un livre
ou d'un journal; ou encore le sens contenu dans les paroles que
nous entendons. L'information c'est aussi la nouvelle que nous apprend
un interlocuteur. Cette notion d'information est cependant restrictive
car elle ne concerne que l'outil de communication qu'est le langage.
Intéressons-nous un instant à un autre type d'information:
Lorsque
l'Homme primitif a su construire ses premiers outils (tailler ses
premiers silex, l'attacher à un bâton pour en faire une lance, ...)
il a mis de l'information dans le caillou de départ et dans la branche
qui a servi à fabriquer le manche de la lance. Lorsque notre Homme
taille son silex, il sait pourquoi il le taille: c'est pour être
plus efficace à la chasse. Etre plus efficace à la
chasse est un progrès par rapport au combat qui devait s'installer
jusque là dans un corps à corps entre l'Homme et l'animal, entre
l'Homme et son gibier. Ce progrès se trouve matérialisé dans le
silex taillé.
Le
silex taillé contient ainsi une information: celle du pouvoir imaginant
de l'Homme qui l'a créé. C'est grâce à cette information qu'un autre
Homme pourra utiliser le silex taillé, pour peu que celui-ci reçoive
de la part de l'inventeur, un apprentissage minimum du mode d'emploi.
Notre deuxième Homme n'aura pas besoin d'inventer lui-même le silex
taillé; il aura la possibilité, soit d'utiliser celui qui vient
d'être créé, soit de reproduire (sans nouvelle créativité) un double
du premier. C'est en ce sens que le premier silex taillé contient
une information que ne contenait pas le caillou de départ. L'inventeur
du silex taillé peut maintenant disparaître (se faire tuer au cours
d'une chasse par exemple), l'information qu'il avait donnée au caillou
pour devenir silex demeure dans ce dernier et constitue une mémoire
du savoir primitif.
Le
fait d'assembler le silex avec un manche pour en faire une lance
ou une hache constitue une nouvelle étape de l'information mise
dans la matière. Il en va ainsi de chacun des outils successifs
que l'Homme a créé tout au long de son évolution. En procédant de
la sorte, l'Homme imaginant a donné de la forme à la matière. Cette
forme est directement fonction de l'imagination, de la pensée de
l'auteur. C'est pourquoi on peut dire que l'Homme a "informé" la
matière ou que la matière a reçu de l'information. Il y a eu échange
d'information entre l'Homme et l'objet. L'information (le savoir
de l'Homme) devient forme par le transfert à l'objet: elle change
la capacité initiale du caillou, elle le transforme en outil.
La
totalité des éléments de notre culture passent par une première
phase de mémorisation; tout ce que nous apprenons, expérimentons
est codifié chimiquement, crypté, fixé sur un trajet nerveux et
fera ensuite partie de notre patrimoine culturel, du moins pour
les éléments importants qui auront été retenus pour un stockage
prolongé, compte tenu, soit de leur importance, soit de la fréquence
de leur apparition. Ainsi en va t-il de l'apprentissage de la langue,
de l'apprentissage du métier, du savoir-faire, du goût que nous
trouvons aux mets, aux vins, de ce que nous aimons, de ce que nous
détestons, de la musique comme de la peinture, de nos sentiments,
de nos litanies, de nos rapports sociaux...
Ce
que nous appelons "les médias" sont les moyens qui nous permettent
la mise en œuvre de tout ce que nous appelons communication. Nous
allons maintenant examiner les principaux.
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Les
moyens de communication
|
Les
premiers moyens de communication ont probablement été les gestes
associés aux sons de la voix, avant qu'au fil de longs millénaires
ne s'esquissent des langages. Le langage, une fois installé, permit
de communiquer sa pensée à autrui, mais aussi de transmettre oralement
aux générations qui se succèdent, le savoir acquis, les rites, les
croyances et les coutumes.
Puis
vinrent les représentations: dessins, signes, symboles, hiéroglyphes.
L'écriture cunéiforme, considérée comme la première forme d'écriture,
fut inventée par la civilisation Sumérienne, en Mésopotamie, à la
fin du quatrième millénaire avant notre ère (- 3 200). Elle consistait
en un millier de signes gravés au roseau sur des tablettes d'argile
encore humide. Les tablettes d'argiles furent avantageusement remplacées
par des tablettes de bois recouvertes de cire, ce qui les rendait
plus légères et… effaçables.
Les
hiéroglyphes apparurent en Egypte quelques siècles plus tard. L'alphabet
sera inventé au cours du deuxième millénaire avant JC, probablement
à Byblos, en Phénicie (Syrie, Liban). L'alphabet grec dérivera du
Phénicien au cours du dernier millénaire avant JC. Les Romains l'adapteront
et le transformeront pour en faire l'alphabet latin utilisé aujourd'hui
par l'ensemble des civilisations occidentales.
Le
développement des moyens de communication suit celui du savoir.
A la fin du XXè siècle les moyens de communication, rebaptisés médias,
explosent littéralement, tandis que le savoir continue à progresser
mais en se concentrant chez une intelligentsia. La télévision, l'ordinateur,
la téléphonie, l'internet envahissent la société, faisant les choux
gras de la "nouvelle économie" et creusant un fossé (culturel et
économique) de plus en plus profond entre gaveurs et gavés.
La
télévision
Après
avoir été, dans un premier temps, un formidable moyen démocratisé
d'information et même d'enseignement, la télévision est devenue,
petit à petit, le média le plus dangereux pour l'avenir de l'Homme
libre. La télé est tellement présente dans les foyers, que sa part
d'influence dans l'apprentissage est devenue comparable, sinon supérieure,
à celle de l'école. Une étude effectuée par Médiamétrie en 1999
montre qu'au cours de sa vie, un Français passe l'équivalent de
dix années de sa vie devant la télévision, contre six années de
travail ! Pourtant, et aussi paradoxalement que cela puisse paraître,
deux Français sur trois estiment "qu'on est pris pour des abrutis
à la télévision".... Les enfants scolarisés consacrent 900 heures
par an au petit écran, contre 800 heures de classe! La télé devient,
dans le même temps, la référence pour les apprentis de la vie: "Je
l'ai vu à la télé! alors..."

La
puissance de l'image est en elle-même suffisamment captivante pour
mobiliser l'attention. Elle représente aussi la possibilité de s'échapper
dans l'imaginaire, dans le monde du virtuel, dans ce monde où chacun
peut espérer devenir une idole. En ce sens, elle est devenue par
elle-même un moyen de réalisation de la gratification. Sa grande
diffusion a permis de la rendre accessible même aux plus démunis;
mais cette démocratisation a son revers: Le ministère de l'éducation
nationale signalait, en 1999, que le fait de vivre dans une famille
où la télévision est allumée en permanence accroît les risques d'échec
scolaire.
Malheureusement
la télé, qui se décline aujourd'hui en chaînes - si nombreuses que
pour s'y retrouver on les regroupe en "bouquets" - n'est pas (n'est
plus) un outil de diffusion du savoir et de la culture. Chaque chaîne
est une entreprise commerciale dont la vocation n'est pas de servir
la collectivité mais d'accroître son audience et ses recettes publicitaires,
une entreprise "condamnée" à faire des bénéfices et donc à se soumettre
à la dictature de l'audimat pour détecter la "matière" qui se vendra
le mieux: ce sera généralement le sensationnel, matière qui produit
des émotions, au détriment de la culture, matière qui produit le
savoir et l'intelligence.
Pour
soigner son image elle se pare parfois des plumes de la culture
pour déverser dans nos chaumières une dose de culture de bas étage,
colorisée aux éternels fantasmes sexuels. Mais elle ne fournit que
trop rarement à l'individu les éléments de base nécessaires pour
nourrir une réflexion responsable et critique sur la condition humaine.
Elle s'efforce au contraire de flatter les attentes des spectateurs
en faisant couler l'émotion à flots dans les émissions de variétés
et les "reality shows". On mesure dès lors les conséquences de son
impact sur la formation intellectuelle de la jeunesse quand on sait
(mais rappelons-le) que les enfants passent plus de temps devant
la télé qu'à l'école!
La
multiplicité des programmes permise par le développement de la technologie
du câble et du satellite engendre un choix pléthorique qui n'a pas
que des avantages; il privilégie ceux qui sont capables d'effectuer
les indispensables synthèses, et défavorise ceux qui, cédant à la
facilité, se contentent de regarder les films "faciles" et les émissions
de variétés et de jeux qui n'ont pratiquement pas de contenu culturel
enrichissant.
La
télévision est-elle vraiment un instrument de communication?
Assurément
non, car la communication suppose une circulation de l'information
dans le sens aller et dans le sens retour. Or la télévision ne communique
qu'à sens unique. Le téléspectateur n'a comme possibilités que,
soit d'ingurgiter le contenu télévisuel, soit d'éteindre son poste
lorsqu'il n'est pas d'accord (comportement rarissime), soit de zapper
sur un autre émetteur pour ingurgiter un autre discours. Dans aucun
des cas il ne peut répondre au locuteur de la lucarne: il n'y a
pas interlocution. Non, résolument non, la télé ne peut prétendre
à la qualification d'outil de communication. Ne permettant la diffusion
que dans un seul sens elle est simplement un outil de gavage semblable
à l'entonnoir qui sert au gavage des oies: les oies n'ont aucune
possibilité de choisir pour leur foie une autre destination que
celle de devenir foie gras! Les téléspectateurs l'ont-ils, pour
leur cerveau? Comment s'étonner que les cerveaux soient devenus
mous comme …un foie gras?
La
télé est aussi l'alliée de la publicité qui la fait vivre bien mieux
que la redevance. Sa principale source de revenus est, en effet,
constituée par les recettes publicitaires, y compris pour les chaînes
publiques, dans le budget desquelles la redevance ne pèse pas bien
lourd. Qui dit publicité dit donneurs d'ordres. Ces donneurs d'ordres
ont des exigences et notamment de "timing" afin que les messages
passent à la minute dite. Du coup, le temps d'information (le journal)
est strictement minuté et les présentateurs ont un œil rivé sur
leur prompteur et l'autre sur le compte à rebours du temps d'antenne
restant, avec une peur viscérale du silence, du temps mort. C'est
la raison essentielle qui fait de l'information un condensé-imagé-résumé-simplifié,
aboutissant bien souvent à vider de leur sens les images, parce
qu'élaguées de leur contexte. Or c'est le contexte qui donne un
sens au reportage sur un "morceau" de guerre, au récit d'une catastrophe,
comme à un épisode de bravoure ou encore à la description d'un fait
de société. Pour tout faire passer dans le temps imparti, on condense
et on simplifie les informations qui parlent d'un monde paradoxalement
de plus en plus complexe. L'information y perd bien évidemment de
son objectivité.
C'est
en connaissance de l'énorme pouvoir de la télévision à modifier,
à modeler l'esprit du public, que les hommes politiques s'évertuent
à paraître sous leur meilleur jour lorsqu'ils passent sur le petit
écran. Si bien que les joutes politiques ne consistent plus à défendre
des programmes politiques comme des projets de société, mais visent
beaucoup plus à la vedettisation politique. Celui qui l'emportera
étant celui qui aura été le meilleur - c'est-à-dire le plus habile
dans l'art de distraire…
La
presse écrite
La
presse quotidienne, surtout la presse généraliste, a perdu depuis
1970 la moitié de son lectorat qui s'est tourné vers la télévision
et surtout vers les réseaux dits sociaux. Ce sont essentiellement
les classes jeunes qui sont responsables de ce transfert d'intérêt.
Par contre les quotidiens régionaux, caractérisés par une forte
identité locale, résistent mieux à l'érosion, se maintiennent, voire
progressent. De toute la presse écrite ce sont les magazines (3000
titres en kiosque, essentiellement les magazines de télé: sur les
dix hebdomadaires les plus lus, sept sont des magazines de télé)
et les hebdomadaires qui se taillent la meilleure part du marché.
Pour avoir une idée de ce que lisent nos compatriotes voici le palmarès
des titres les plus lus, par ordre décroissant : TV magazine (14
millions de lecteurs en 99), Télé 7 jours, Femme actuelle, Télé
Z, Télé Star, Télé Loisirs, TV hebdo, Télé poche, Fémina hebdo,
Paris Match, Voici, L'Equipe Magazine .
La
presse écrite, du fait de son extrême diversification, garde un
aspect de pluralité et de liberté de l'information. Le fait aussi
que sa lecture constitue un acte volontaire la rend plus "sympathique"
en laissant penser que le lecteur aura un sens plus critique que
le téléspectateur passif. On peut toujours revenir en arrière sur
un journal ou un livre afin de bien comprendre ce qui vient de passer
sous nos lunettes. A la télé ou à la radio le travelling arrière
n'est pas possible (sauf à enregistrer systématiquement tous les
journaux sur cassette et à les réécouter ce qui serait bien fastidieux.
La
presse - journaux et revues notamment - est évidemment, comme tous
les autres médias, colorée de l'opinion de ses rédacteurs, ce qui
n'est pas une critique, bien au contraire. Mais cela présente néanmoins
un risque important pour le lecteur qui se fait son opinion sur
tout en lisant consciencieusement son quotidien matutinal préféré.
Il ne faut pas s'étonner, dans ce cas, d'avoir la même opinion que
son journal ! Je veux dire par là qu'en matière d'information, une
pluralité de sources d'informations est propice à la formation d'opinions
objectives, de même que plusieurs sons de cloches sont propices,
sinon nécessaires, pour éviter les querelles …de chapelles !

La
radio
Elle
se situe à mi-chemin entre la télé et la presse écrite. Elle bénéficie
d'une audience comparable à la télé car, en dehors du foyer, elle
est présente dans pratiquement la totalité des voitures et reste
accessible sur bon nombre de lieux de travail. Ne bénéficiant pas
du super pouvoir de l'image, elle apparaît, de ce fait, plus informative
et plus crédible. Mais sans image elle est obligée de faire plus
d'efforts pour captiver son auditoire. Malheureusement, cet effort
pour intéresser, utilise également trop souvent les ficelles faciles
du pornographique et du jeu de gros mots.
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"On
ne peut pas désirer ce que l'on ignore, mais on peut désirer ce
qu'un autre possède et que l'on ne possède pas encore; surtout si
la possession de l'objet permet de se situer dans un ordre hiérarchique
et participe à l'établissement de la dominance."
(H.Laborit)
Commençons
par un exemple qui montre que la publicité est un savant mélange
d'information et d'intoxication destiné à fabriquer l'idée qu'un
produit nous est indispensable.
Si
nous décortiquons un peu les publicités en général nous découvrons
qu'en même temps que l'information vraie - l'annonce de la sortie
d'un produit nouveau - il est distillé toutes sortes de jugements
de valeurs auxquels nous sommes sensibles. Examinons cet exemple
de message publicitaire diffusé par une des institutions de l'Etat
qu'est la Loterie Nationale: "LOTO: 100 %
des gagnants ont tenté leur chance !".
C'est
évidemment un message à double lecture dont l'objectif est d'amalgamer
les deux interprétations possibles. La première interprétation est
celle d'un clin d'œil humoristique sympathique: Ceux qui ont gagné
ont forcément joué, tous sans exception, donc 100 %. La seconde
lecture sous-tend l'idée qu'il suffit de jouer pour faire partie
des 100 % des gagnants. Par conséquent, si je n'ai encore jamais
tenté ma chance au Loto, je suis vraiment "le plus glandu des
glandus"; puisqu'en effet, on met le gain à ma portée: il suffit
d'essayer pour gagner! Que je n'aille pas me plaindre de ne pas
gagner si je ne joue pas!
Les publicistes ont utilisé ici leur intelligence, leur capacité
à penser. Ce qui est dommage c'est que celle-ci soit mise au service
de l'argent en exploitant l'infériorité (ou la moindre intelligence
?) des joueurs crédules. La plus grande filouterie de ce message
réside en ce qu'il est suggestif. Or grammaticalement, comme juridiquement,
cette phrase n'est pas fausse et on ne peut pas attaquer ses auteurs.
On suggère au lecteur une situation alléchante et on espère qu'il
s'engagera tout seul, de son plein agrément sur le terrain miné
où ses chances de perdre
sont supérieures à... 99% Il existe mathématiquement
1 chance sur 19.068.840 de choisir la combinaison gagnante du Loto
(5 numéros plus 1 numéro chance)..
Ainsi donc, lorsque les annonceurs font dire à la publicité que
100% des gagnants ont tenté leur chance, ils ne visent qu'à plumer
les "bonnes gens" au bénéfice de leur bien malhonnête entreprise.
La
publicité est un média qui a de plus en plus de poids dans la communication
générale à l'intérieur de notre société de consommation. Elle joue
un rôle primordial dans la distribution des biens de grande consommation.
Si au départ elle constituait une information du consommateur, elle
est devenue très vite un outil de manipulation mentale du consommateur.
Un
pêcheur est avant tout un Homme. Il est donc intelligent. Il utilise
son intelligence pour tromper le poisson qui, lui, est un animal
théoriquement dépourvu d'intelligence, donc incapable de
voir en l'appât accroché à un hameçon autre chose qu'une proie alimentaire.
Il mord à l'hameçon en même temps qu'il mord à la proie… et le voilà
mort et cuit, dans l'assiette du pêcheur qui saura, de surcroît,
manger sa chair et jeter ses arêtes.
Comment
ne pas voir dans les protagonistes de la société de consommation
ceux qui sont "le pêcheur" et ceux qui sont "le poisson" ? Oh bien
sûr, le "poisson" de la société de consommation ne meurt pas à chaque
fois qu'il mord à l'hameçon; l'industriel "pêcheur" est suffisamment
intelligent pour préserver la vie du "poisson" qui pourra ainsi
mordre à une multitude d'appâts successifs. Le "pêcheur" s'avérera
même assez intelligent pour que l'appât procure un réel bien-être
instantané au "poisson".
Comment
le "pêcheur" peut-il présenter son produit comme source de bien-être
avant même qu'il soit en circulation, comme c'est le cas lors du
lancement d'un nouveau produit, donc encore inconnu? Il fait ce
que tout pêcheur sait faire: Avant la pêche il appâte sans hameçon,
gratuitement, en jetant l'appât dans l'eau, par poignées, parfois
plusieurs heures avant de lancer son premier hameçon, afin de faire
venir le poisson. Le poisson n'est peut-être pas intelligent mais
il sait communiquer (tous les poissons ne sont pas muets comme des
carpes !) Et de fait, le poisson, même les carpes, rappliquent.
Métaphore
ironique, direz-vous? Les exemples ne manquent pas: Les fabricants
de pellicule photos n'ont-ils pas offert des appareils jetables
pour vendre de la pellicule? Certains téléphones portables ne sont-ils
pas offerts pour vendre de la communication? Certaines communications
elles-mêmes ne sont-elles pas gratuites un certain temps? Ne voit-on
pas fleurir les offres "Internet Free"? Certaines offres de gratuité
ne sont-elles pas assorties de "potions" publicitaires? Et bien
sûr, pour faire bonne mesure, la publicité ne montre que des gens
hyper satisfaits du produit qui est à vendre. Cherchez la véritable
différence entre ces situations et celle du pêcheur qui appâte le
poisson qui mord!
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Téléphonie,
Internet et réseaux sociaux
|
En
ce début de siècle, ces trois medias sont devenus indissociables
et se développent à une vitesse exponentielle.
En
1805, l'ingénieur Chappe inventait le télégraphe aérien fonctionnant
sur la base de signaux visibles. C'est le même principe mais un
peu plus évolué que le mode de communication par nuages de fumée,
prêté aux indiens dans les bandes dessinées des années cinquante.
Après
être passée par le téléphone filaire, nécessitant l'intervention
d'une opératrice pour connecter l'appelant à l'appelé, la voix transite
maintenant par satellite pour arriver à son destinataire, qui peut
d'ailleurs être une machine (répondeur, ordinateur…). Le téléphone,
de progrès qu'il était dans le domaine de la communication, pour
gagner du temps et même pour sauver des vies en appelant du secours
(médecin, vétérinaire), pour gagner du temps en évitant les déplacements,
donc de progrès qu'il représentait en sécurité et en confort, en
accroissement de liberté, est actuellement rendu au stade pervers
d'aliénation de la liberté avec l'avènement du téléphone dit "portable".
Le
téléphone peut être un excellent outil: il peut sauver des vies
en permettant de signaler, bien plus rapidement que par n'importe
quel autre moyen, un accident, un malaise, un danger, une avarie…
Il peut constituer un moyen efficace et immédiat de communication,
à la seule condition qu'il soit utilisé pour cela et non pour frimer,
espionner ou esquiver les relations réelles. Le téléphone portable
est devenu un des moyens de gratification. La sensation d'être joignable
à tout instant est de nature à valoriser l'ego et à se croire important.
"Allô, t'es où ? qu'est-ce tu fais? Ah bon, eh ben moi j'arrive
dans cinq minutes, ciao!"
Internet
est pour le citoyen lambda, jusque là inconnu et anonyme,
un moyen de quitter le monde ordinaire (en anglais "drop out") pour
le monde de la lumière - et pourquoi pas - de la célébrité.
Sur internet on peut tout dire, tout entendre, tout voir, sans avoir
de compte à rendre à personne. Les nouvelles technologies en général,
et internet en particulier, sont associées aux idées de liberté,
d'emploi, de démocratie, de richesse, de savoir. Comme le téléphone,
il permet, certes, l'abolition des distances, mais les promesses
de la toile vont bien au-delà. Le "village global" envisagé par
Marshall MacLuhan, l'un des thuriféraires (plus ardents promoteurs)
d'internet, promettait l'abolition des frontières, tant géographiques
que politiques ou culturelles, et l'abolition du temps, puisque
tout se passe désormais en temps réel, présent, immédiat.
Selon MacLuhan Internet
apportera un supplément d'intelligence et donnera à chaque individu
la possibilité d'exister, d'interagir avec n'importe quel autre
groupe planétaire, renforcera l'autonomie et l'indépendance des
citoyens, assurera l'accès à la connaissance… bref, internet sera
la nouvelle religion pour l'Homme du deuxième millénaire. L'Homme
ayant été chassé du "centre du monde" par la théorie de l'évolution
de Darwin, internet lui donne l'opportunité de reconquérir ce privilège
en devenant le centre du "Verbe" par l'entremise de la toile planétaire:
le Web.
Les
réseaux sociaux sont apparus presque aussitôt:
Facebook, Instagramm, Twitter, Messenger, Whatsapp, Viber, Snapchat,
Tik Tok... En un instant, tout le monde s'est mis à communiquer
avec tout le monde, d'un bout de la planète à l'autre,
sans se connaître autrement que par un "profil"
virtuel.
Les
réseaux sociaux permettent-ils plus... ou moins de culture
?
Internet est présenté comme inéluctable tout comme l'était,
en son temps, l'arrivée de l'électricité. Présenté
comme l'outil le plus innovant, le plus porteur d'avenir, le plus
incontournable et le plus fascinant du 21° siècle, il
a déferlé sur le monde entier sans provoquer de débat de
société comme l'avait fait l'avènement du nucléaire.
Pourtant,
l'utilisation d'internet ne garantit pas un accroissement automatique
du savoir des connectés. Une part importante du trafic sur internet
concerne le cybersexe...!
Par
ailleurs, l'utilisation d'internet, s'il accroît les relations virtuelles
avec des interlocuteurs dispersés aux quatre coins du monde, réduit
les relations sociales du monde réel. On peut se demander quel est
l'intérêt de converser avec des individus du bout du monde alors
que l'internaute converse si peu avec son voisin de palier; et aussi
ce que deviendraient ces relations si les interlocuteurs virtuels
se connaissaient réellement.
En
outre, il faut être conscient qu'internet et les réseaux
sociaux sont un moyen super efficace pour détecter nos besoins,
nos désirs, nos penchants, nos travers, nos secrets... A
chaque connexion, les fameux "cookies", ces petits programmes présentés
comme utiles et inoffensifs, affinent notre profil et notre personnalité.

On
peut enfin se poser la question de la possibilité de manipulation
mentale des individus déjà fragiles qui cherchent dans internet
une échappatoire à leur condition. Puisque tout y est possible,
les manipulateurs de tout poil, y compris les sectes, n'ont aucune
raison de se priver...
Trop
d'information tue l'information
|
Ayant passé en revue les principaux moyens de communication,
nous constatons que les vecteurs d'information ne manquent pas.
Le cerveau humain est-il capable d'ingurgiter toute la masse d'information
qu'il reçoit, et que se passe-t-il en cas d'over-dose ?
Prenons
un exemple : celui de la psychose provoquée par la "crise du COVID".
Constatons d'abord que cette crise s'ajoute à la perte de
confiance des citoyens en leurs institutions, à la prise
de conscience de la malbouffe et de la destruction progressive de
la Planète.
Constatons
encore que les média font leurs choux gras du sujet, et ne parlent
plus que de COVID depuis plus de deux ans, bien plus préoccupés
par "l'émotion vendable" que par la recherche des vraies
questions et des vraies réponses à la pandémie.
Nous avons là les ingrédients majeurs pour faire prendre la mayonnaise
de la psychose.
Ajoutez à cela la multiplication sur les plateaux télé
des soi-disant experts, plus intéressés par leur notoriété
que par
la recherche de la vérité, qui déversent une
masse d'informations souvent contradictoires et surtout invérifiables
par le citoyen. Ajoutez encore les directives tout aussi contradictoires
des politiques. Nous aboutissons à une over-dose d'information
qui, loin d'éclairer, finit par embrouiller les esprits,
tuer l'information vraie et favoriser l'émergence de regrettables
constructions complotistes.
A
voir aussi la page consacrée aux médias
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