Changer de bocal pour
Changer la société

 

La communication

 

 


Par Anicet Le Marre

Ce n'est pas parce que je me tais
que je n'ai rien à dire!

 

La communication constitue une distinction fondamentale entre le vivant et non vivant.

A l'intérieur d'un minéral, la structure est figée; un caillou reste un caillou. Même lorsque l'on regarde en détail on constate que les atomes sont bien arrangés entre eux dans une structure immuable. Seul un électron qui gravite autour de son noyau peut s'échanger avec un électron d'un noyau voisin, mais cela n'aboutit jamais à la modification de la structure; cet événement qui n'a consisté qu'en l'échange d'un électron contre un électron identique n'a rien modifié à la structure qui reste stable.

Or dans le monde du vivant il y a communication, sous des multitudes de formes, et cette communication vise précisément un objectif de modification, un objectif dynamique, un objectif vivant.

Ainsi, chez les plantes, les gamètes mâles empruntent-ils différents moyens de communication, différents vecteurs (gravité, vent, eau, insectes, etc.) pour aller féconder une autre plante distante. Elles sont même capables d'émettre des signaux (parfums, couleurs,…) pour attirer les média (insectes, oiseaux) qui transmettront leur message vers les cibles où elles ne peuvent elles-mêmes se déplacer.

Dans le domaine animal, les fourmis nous fournissent un autre exemple de communication éloquent : elles sont capables de baliser un chemin grâce à leurs phéromones, véritables médiateurs chimiques, qu'elles émettent en quantité infime, mais qui seront reconnus par les autres fourmis comme un message. De telles phéromones odorantes sont également sécrétées par certains papillons femelles afin d'attirer les mâles à grande distance. Chez les abeilles, la sécrétion de phéromone par la reine empêche le développement des ovaires des ouvrières. Si l'apiculteur enlève la reine, les phéromones royales s'estompent petit à petit et disparaissent complètement ; les ovaires de quelques jeunes ouvrières se mettent alors à grossir, ce qui leur permet de remplacer la reine. Ces dernières, se mettent à leur tour à émettre leurs propres phéromones pour éviter que toutes les ouvrières ne deviennent reines, ce qui causerait la mort de la colonie entière puisque alors, il n'y aurait plus que des reines et pas d'ouvrières pour aller récolter le pollen nourricier.

On pourrait multiplier les exemples ; la communication est une caractéristique du vivant. Mais nous nous limiterons ici à la communication entre êtres humains.

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Petite théorie sur la communication

 

Un être E (émetteur) a une idée; il souhaite la partager avec un autre être R (Récepteur). Pour ce faire, il doit transmettre à R le contenu entier de son idée: il doit communiquer, chose somme toute assez courante et même banale. Dans bien des cas cependant, nous sommes amenés à constater que sous l'apparente banalité se cachent des phénomènes d'une extrême complexité. Sinon comment expliquer le sentiment si souvent vérifié de l'incompréhension? On peut schématiser la communication par la représentation simplifiée suivante:

Si nous décomposons cette séquence en séquences élémentaires nous découvrons que les choses sont un peu plus complexes:

En premier lieu si l'émetteur E veut transmettre rigoureusement son idée, il lui faut, au préalable, définir rigoureusement le contenu de l'idée, ainsi que ses limites (son contour) de façon à bien exprimer l'idée et elle seule, sans "parasites" qui affecteraient l'idée et la rendraient moins nette. Si l'idée peut être transmise par des mots, E doit alors choisir rigoureusement les mots appropriés pour coder son idée avec précision. Déjà, on se rend compte de la difficulté qu'il y a à coder une idée avec précision et rigueur, un mot ne voulant pas dire exactement la même chose que l'un de ses synonymes. En résumé, pour réunir toutes les chances d'une bonne communication il faut s'attacher à bien concevoir l'idée de départ. Nos instituteurs le savaient bien et se plaisaient à répéter que "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement". Il s'agit donc, en premier lieu, de bien concevoir l'idée.

En second lieu, les mots choisis pour définir l'idée devront être prononcés par l'émetteur, avec une intonation, une force variable en fonction de l'importance que E voudra donner à tel aspect de l'idée, ou à la relativité qu'il voudra donner à tel autre, ceci afin de corriger le manque de précision du mot servant de vecteur. Nous voyons bien ici également la difficulté de trouver les modulations idéales permettant de ne rien dénaturer de l'idée à transmettre.

Puis vient la phase où le récepteur R reçoit le codage phonique de l'idée. Il est bien évident que pour une réception parfaitement identique à l'émission il est obligatoire que R donne aux mots reçus le même contenu que celui que E y a mis. Dans la pratique ceci n'est jamais que très imparfaitement réalisé, E et R n'étant que rarement des jumeaux homozygotes qui auraient appris les mêmes mots dans les mêmes contextes, de telle sorte qu'un mot quelconque émis par l'un veuille dire exactement la même chose que ce qui est reçu par l'oreille de l'autre! Au cours de la transmission de l'idée, entre la bouche de E et l'oreille de R, il va y avoir dénaturation, perte d'une partie du sens initial.

Vient ensuite la phase de "traduction" par le récepteur des mots reçus (entendus); ici encore la traduction sera sous la dépendance de l'ensemble du contexte culturel qui a accompagné les mots depuis leur apprentissage et tout au long de leur affinage. Il s'en suivra inéluctablement une perte de sens.

Pour être plus concret, prenons l'exemple du mot argent prononcé par E, que nous allons supposer issu d'un milieu social pauvre, et reçu par R, que nous supposons issu d'un milieu aisé. Le mot argent ne peut pas avoir les mêmes attributs pour E et pour R. La transmission d'une idée incluant ce mot sera obligatoirement déformée puisque E et R n'y mettront pas le même contenu.

En outre, le décodage par le récepteur R dépend bien évidemment de l'état de réceptivité de celui-ci. Il faut tout d'abord que R soit disponible à 100 % pour écouter le message, faute de quoi la réception ne sera que partielle ou brouillée. Il convient ensuite que R ait un intérêt pour le sujet contenu dans l'émission. Enfin, il faut que le locuteur présente lui-même un intérêt pour le récepteur, afin que le contenu de l'émission puisse être pris en considération.

Finalement, il paraît bien difficile que toutes ces conditions soient réunies simultanément. Même en prenant un maximum de précautions depuis la conception de l'idée par E, jusqu'au décodage et à la compréhension par R, il y aura inéluctablement perte d'information, modification du contenu de l'information; ce que l'on peut résumer par le schéma suivant:

Pertes et déformations au cours de la communication

On notera par ailleurs que la communication ne passe pas que par la parole: Entre deux êtres qui communiquent, le regard joue certainement un rôle important. Le regard est en effet le premier moyen de communication entre deux jeunes amoureux. Il l'est aussi entre deux étrangers qui ne connaissent aucun mot de la langue de l'autre. Il l'est encore entre un chien et son maître. Dans les écoles de vente on apprend à décrypter le regard de ses partenaires commerciaux et à accompagner nos paroles d'un regard approprié de façon à être plus convaincant.

Comme on peut le voir, la communication est un art bien difficile ! Nous venons de voir que communiquer c'est échanger, le mieux possible, de l'information. Mais de quoi est faite l'information ?

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L'information : ce que nous avons à communiquer

 

Parler ne suffit pas,
si personne n'entend.

Lorsque j'étais enfant, et même bien plus tard, je rêvais de pouvoir communiquer avec mon environnement - et pas seulement avec les autres humains - sans avoir à parler; juste en émettant une pensée. Cette pensée serait alors transmise à autrui, telle quelle, à l'état pur, sans la traduire, sans la déformer. Et je pourrais alors me faire comprendre exactement, sans qu'il soit besoin d'interpréter ma pensée et sans que j'aie besoin d'interpréter moi-même la pensée des autres qui me parviendrait.

Chacun aurait ainsi la version véritable de la pensée d'autrui; le mensonge ne pourrait plus exister, ni même le maquillage de la vérité. Je pourrais aussi bien savoir ce qu'on pense de moi dans mon entourage humain, que ce que veut dire le chant des oiseaux, le meuglement d'une vache, ou le mutisme du poisson. D'autres que moi ont probablement connu ce désir puisqu'il en reste une expression encore assez usitée: lire dans les pensées.

Le sens que nous attribuons le plus immédiatement à l'information est le sens qui se trouve dans les mots écrits sur les pages d'un livre ou d'un journal; ou encore le sens contenu dans les paroles que nous entendons. L'information c'est aussi la nouvelle que nous apprend un interlocuteur. Cette notion d'information est cependant restrictive car elle ne concerne que l'outil de communication qu'est le langage. Intéressons-nous un instant à un autre type d'information:

Lorsque l'Homme primitif a su construire ses premiers outils (tailler ses premiers silex, l'attacher à un bâton pour en faire une lance, ...) il a mis de l'information dans le caillou de départ et dans la branche qui a servi à fabriquer le manche de la lance. Lorsque notre Homme taille son silex, il sait pourquoi il le taille: c'est pour être plus efficace à la chasse. Etre plus efficace à la chasse est un progrès par rapport au combat qui devait s'installer jusque là dans un corps à corps entre l'Homme et l'animal, entre l'Homme et son gibier. Ce progrès se trouve matérialisé dans le silex taillé.

Le silex taillé contient ainsi une information: celle du pouvoir imaginant de l'Homme qui l'a créé. C'est grâce à cette information qu'un autre Homme pourra utiliser le silex taillé, pour peu que celui-ci reçoive de la part de l'inventeur, un apprentissage minimum du mode d'emploi. Notre deuxième Homme n'aura pas besoin d'inventer lui-même le silex taillé; il aura la possibilité, soit d'utiliser celui qui vient d'être créé, soit de reproduire (sans nouvelle créativité) un double du premier. C'est en ce sens que le premier silex taillé contient une information que ne contenait pas le caillou de départ. L'inventeur du silex taillé peut maintenant disparaître (se faire tuer au cours d'une chasse par exemple), l'information qu'il avait donnée au caillou pour devenir silex demeure dans ce dernier et constitue une mémoire du savoir primitif.

Le fait d'assembler le silex avec un manche pour en faire une lance ou une hache constitue une nouvelle étape de l'information mise dans la matière. Il en va ainsi de chacun des outils successifs que l'Homme a créé tout au long de son évolution. En procédant de la sorte, l'Homme imaginant a donné de la forme à la matière. Cette forme est directement fonction de l'imagination, de la pensée de l'auteur. C'est pourquoi on peut dire que l'Homme a "informé" la matière ou que la matière a reçu de l'information. Il y a eu échange d'information entre l'Homme et l'objet. L'information (le savoir de l'Homme) devient forme par le transfert à l'objet: elle change la capacité initiale du caillou, elle le transforme en outil.

La totalité des éléments de notre culture passent par une première phase de mémorisation; tout ce que nous apprenons, expérimentons est codifié chimiquement, crypté, fixé sur un trajet nerveux et fera ensuite partie de notre patrimoine culturel, du moins pour les éléments importants qui auront été retenus pour un stockage prolongé, compte tenu, soit de leur importance, soit de la fréquence de leur apparition. Ainsi en va t-il de l'apprentissage de la langue, de l'apprentissage du métier, du savoir-faire, du goût que nous trouvons aux mets, aux vins, de ce que nous aimons, de ce que nous détestons, de la musique comme de la peinture, de nos sentiments, de nos litanies, de nos rapports sociaux...

Ce que nous appelons "les médias" sont les moyens qui nous permettent la mise en œuvre de tout ce que nous appelons communication. Nous allons maintenant examiner les principaux.

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Les moyens de communication

 

Les premiers moyens de communication ont probablement été les gestes associés aux sons de la voix, avant qu'au fil de longs millénaires ne s'esquissent des langages. Le langage, une fois installé, permit de communiquer sa pensée à autrui, mais aussi de transmettre oralement aux générations qui se succèdent, le savoir acquis, les rites, les croyances et les coutumes.

Puis vinrent les représentations: dessins, signes, symboles, hiéroglyphes. L'écriture cunéiforme, considérée comme la première forme d'écriture, fut inventée par la civilisation Sumérienne, en Mésopotamie, à la fin du quatrième millénaire avant notre ère (- 3 200). Elle consistait en un millier de signes gravés au roseau sur des tablettes d'argile encore humide. Les tablettes d'argiles furent avantageusement remplacées par des tablettes de bois recouvertes de cire, ce qui les rendait plus légères et… effaçables.

Les hiéroglyphes apparurent en Egypte quelques siècles plus tard. L'alphabet sera inventé au cours du deuxième millénaire avant JC, probablement à Byblos, en Phénicie (Syrie, Liban). L'alphabet grec dérivera du Phénicien au cours du dernier millénaire avant JC. Les Romains l'adapteront et le transformeront pour en faire l'alphabet latin utilisé aujourd'hui par l'ensemble des civilisations occidentales.

Le développement des moyens de communication suit celui du savoir. A la fin du XXè siècle les moyens de communication, rebaptisés médias, explosent littéralement, tandis que le savoir continue à progresser mais en se concentrant chez une intelligentsia. La télévision, l'ordinateur, la téléphonie, l'internet envahissent la société, faisant les choux gras de la "nouvelle économie" et creusant un fossé (culturel et économique) de plus en plus profond entre gaveurs et gavés.

La télévision

Après avoir été, dans un premier temps, un formidable moyen démocratisé d'information et même d'enseignement, la télévision est devenue, petit à petit, le média le plus dangereux pour l'avenir de l'Homme libre. La télé est tellement présente dans les foyers, que sa part d'influence dans l'apprentissage est devenue comparable, sinon supérieure, à celle de l'école. Une étude effectuée par Médiamétrie en 1999 montre qu'au cours de sa vie, un Français passe l'équivalent de dix années de sa vie devant la télévision, contre six années de travail ! Pourtant, et aussi paradoxalement que cela puisse paraître, deux Français sur trois estiment "qu'on est pris pour des abrutis à la télévision".... Les enfants scolarisés consacrent 900 heures par an au petit écran, contre 800 heures de classe! La télé devient, dans le même temps, la référence pour les apprentis de la vie: "Je l'ai vu à la télé! alors..."

La puissance de l'image est en elle-même suffisamment captivante pour mobiliser l'attention. Elle représente aussi la possibilité de s'échapper dans l'imaginaire, dans le monde du virtuel, dans ce monde où chacun peut espérer devenir une idole. En ce sens, elle est devenue par elle-même un moyen de réalisation de la gratification. Sa grande diffusion a permis de la rendre accessible même aux plus démunis; mais cette démocratisation a son revers: Le ministère de l'éducation nationale signalait, en 1999, que le fait de vivre dans une famille où la télévision est allumée en permanence accroît les risques d'échec scolaire.

Malheureusement la télé, qui se décline aujourd'hui en chaînes - si nombreuses que pour s'y retrouver on les regroupe en "bouquets" - n'est pas (n'est plus) un outil de diffusion du savoir et de la culture. Chaque chaîne est une entreprise commerciale dont la vocation n'est pas de servir la collectivité mais d'accroître son audience et ses recettes publicitaires, une entreprise "condamnée" à faire des bénéfices et donc à se soumettre à la dictature de l'audimat pour détecter la "matière" qui se vendra le mieux: ce sera généralement le sensationnel, matière qui produit des émotions, au détriment de la culture, matière qui produit le savoir et l'intelligence.

Pour soigner son image elle se pare parfois des plumes de la culture pour déverser dans nos chaumières une dose de culture de bas étage, colorisée aux éternels fantasmes sexuels. Mais elle ne fournit que trop rarement à l'individu les éléments de base nécessaires pour nourrir une réflexion responsable et critique sur la condition humaine. Elle s'efforce au contraire de flatter les attentes des spectateurs en faisant couler l'émotion à flots dans les émissions de variétés et les "reality shows". On mesure dès lors les conséquences de son impact sur la formation intellectuelle de la jeunesse quand on sait (mais rappelons-le) que les enfants passent plus de temps devant la télé qu'à l'école!

La multiplicité des programmes permise par le développement de la technologie du câble et du satellite engendre un choix pléthorique qui n'a pas que des avantages; il privilégie ceux qui sont capables d'effectuer les indispensables synthèses, et défavorise ceux qui, cédant à la facilité, se contentent de regarder les films "faciles" et les émissions de variétés et de jeux qui n'ont pratiquement pas de contenu culturel enrichissant.

La télévision est-elle vraiment un instrument de communication?

Assurément non, car la communication suppose une circulation de l'information dans le sens aller et dans le sens retour. Or la télévision ne communique qu'à sens unique. Le téléspectateur n'a comme possibilités que, soit d'ingurgiter le contenu télévisuel, soit d'éteindre son poste lorsqu'il n'est pas d'accord (comportement rarissime), soit de zapper sur un autre émetteur pour ingurgiter un autre discours. Dans aucun des cas il ne peut répondre au locuteur de la lucarne: il n'y a pas interlocution. Non, résolument non, la télé ne peut prétendre à la qualification d'outil de communication. Ne permettant la diffusion que dans un seul sens elle est simplement un outil de gavage semblable à l'entonnoir qui sert au gavage des oies: les oies n'ont aucune possibilité de choisir pour leur foie une autre destination que celle de devenir foie gras! Les téléspectateurs l'ont-ils, pour leur cerveau? Comment s'étonner que les cerveaux soient devenus mous comme …un foie gras?

La télé est aussi l'alliée de la publicité qui la fait vivre bien mieux que la redevance. Sa principale source de revenus est, en effet, constituée par les recettes publicitaires, y compris pour les chaînes publiques, dans le budget desquelles la redevance ne pèse pas bien lourd. Qui dit publicité dit donneurs d'ordres. Ces donneurs d'ordres ont des exigences et notamment de "timing" afin que les messages passent à la minute dite. Du coup, le temps d'information (le journal) est strictement minuté et les présentateurs ont un œil rivé sur leur prompteur et l'autre sur le compte à rebours du temps d'antenne restant, avec une peur viscérale du silence, du temps mort. C'est la raison essentielle qui fait de l'information un condensé-imagé-résumé-simplifié, aboutissant bien souvent à vider de leur sens les images, parce qu'élaguées de leur contexte. Or c'est le contexte qui donne un sens au reportage sur un "morceau" de guerre, au récit d'une catastrophe, comme à un épisode de bravoure ou encore à la description d'un fait de société. Pour tout faire passer dans le temps imparti, on condense et on simplifie les informations qui parlent d'un monde paradoxalement de plus en plus complexe. L'information y perd bien évidemment de son objectivité.

C'est en connaissance de l'énorme pouvoir de la télévision à modifier, à modeler l'esprit du public, que les hommes politiques s'évertuent à paraître sous leur meilleur jour lorsqu'ils passent sur le petit écran. Si bien que les joutes politiques ne consistent plus à défendre des programmes politiques comme des projets de société, mais visent beaucoup plus à la vedettisation politique. Celui qui l'emportera étant celui qui aura été le meilleur - c'est-à-dire le plus habile dans l'art de distraire…

La presse écrite

La presse quotidienne, surtout la presse généraliste, a perdu depuis 1970 la moitié de son lectorat qui s'est tourné vers la télévision et surtout vers les réseaux dits sociaux. Ce sont essentiellement les classes jeunes qui sont responsables de ce transfert d'intérêt. Par contre les quotidiens régionaux, caractérisés par une forte identité locale, résistent mieux à l'érosion, se maintiennent, voire progressent. De toute la presse écrite ce sont les magazines (3000 titres en kiosque, essentiellement les magazines de télé: sur les dix hebdomadaires les plus lus, sept sont des magazines de télé) et les hebdomadaires qui se taillent la meilleure part du marché. Pour avoir une idée de ce que lisent nos compatriotes voici le palmarès des titres les plus lus, par ordre décroissant : TV magazine (14 millions de lecteurs en 99), Télé 7 jours, Femme actuelle, Télé Z, Télé Star, Télé Loisirs, TV hebdo, Télé poche, Fémina hebdo, Paris Match, Voici, L'Equipe Magazine .

La presse écrite, du fait de son extrême diversification, garde un aspect de pluralité et de liberté de l'information. Le fait aussi que sa lecture constitue un acte volontaire la rend plus "sympathique" en laissant penser que le lecteur aura un sens plus critique que le téléspectateur passif. On peut toujours revenir en arrière sur un journal ou un livre afin de bien comprendre ce qui vient de passer sous nos lunettes. A la télé ou à la radio le travelling arrière n'est pas possible (sauf à enregistrer systématiquement tous les journaux sur cassette et à les réécouter ce qui serait bien fastidieux.

La presse - journaux et revues notamment - est évidemment, comme tous les autres médias, colorée de l'opinion de ses rédacteurs, ce qui n'est pas une critique, bien au contraire. Mais cela présente néanmoins un risque important pour le lecteur qui se fait son opinion sur tout en lisant consciencieusement son quotidien matutinal préféré. Il ne faut pas s'étonner, dans ce cas, d'avoir la même opinion que son journal ! Je veux dire par là qu'en matière d'information, une pluralité de sources d'informations est propice à la formation d'opinions objectives, de même que plusieurs sons de cloches sont propices, sinon nécessaires, pour éviter les querelles …de chapelles !

La radio

Elle se situe à mi-chemin entre la télé et la presse écrite. Elle bénéficie d'une audience comparable à la télé car, en dehors du foyer, elle est présente dans pratiquement la totalité des voitures et reste accessible sur bon nombre de lieux de travail. Ne bénéficiant pas du super pouvoir de l'image, elle apparaît, de ce fait, plus informative et plus crédible. Mais sans image elle est obligée de faire plus d'efforts pour captiver son auditoire. Malheureusement, cet effort pour intéresser, utilise également trop souvent les ficelles faciles du pornographique et du jeu de gros mots.

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La publicité


"On ne peut pas désirer ce que l'on ignore, mais on peut désirer ce qu'un autre possède et que l'on ne possède pas encore; surtout si la possession de l'objet permet de se situer dans un ordre hiérarchique et participe à l'établissement de la dominance."
(H.Laborit)

Commençons par un exemple qui montre que la publicité est un savant mélange d'information et d'intoxication destiné à fabriquer l'idée qu'un produit nous est indispensable.

Si nous décortiquons un peu les publicités en général nous découvrons qu'en même temps que l'information vraie - l'annonce de la sortie d'un produit nouveau - il est distillé toutes sortes de jugements de valeurs auxquels nous sommes sensibles. Examinons cet exemple de message publicitaire diffusé par une des institutions de l'Etat qu'est la Loterie Nationale: "LOTO: 100 % des gagnants ont tenté leur chance !".

C'est évidemment un message à double lecture dont l'objectif est d'amalgamer les deux interprétations possibles. La première interprétation est celle d'un clin d'œil humoristique sympathique: Ceux qui ont gagné ont forcément joué, tous sans exception, donc 100 %. La seconde lecture sous-tend l'idée qu'il suffit de jouer pour faire partie des 100 % des gagnants. Par conséquent, si je n'ai encore jamais tenté ma chance au Loto, je suis vraiment "le plus glandu des glandus"; puisqu'en effet, on met le gain à ma portée: il suffit d'essayer pour gagner! Que je n'aille pas me plaindre de ne pas gagner si je ne joue pas!
Les publicistes ont utilisé ici leur intelligence, leur capacité à penser. Ce qui est dommage c'est que celle-ci soit mise au service de l'argent en exploitant l'infériorité (ou la moindre intelligence ?) des joueurs crédules. La plus grande filouterie de ce message réside en ce qu'il est suggestif. Or grammaticalement, comme juridiquement, cette phrase n'est pas fausse et on ne peut pas attaquer ses auteurs. On suggère au lecteur une situation alléchante et on espère qu'il s'engagera tout seul, de son plein agrément sur le terrain miné où ses chances de perdre sont supérieures à... 99% Il existe mathématiquement 1 chance sur 19.068.840 de choisir la combinaison gagnante du Loto (5 numéros plus 1 numéro chance).
. Ainsi donc, lorsque les annonceurs font dire à la publicité que 100% des gagnants ont tenté leur chance, ils ne visent qu'à plumer les "bonnes gens" au bénéfice de leur bien malhonnête entreprise.

La publicité est un média qui a de plus en plus de poids dans la communication générale à l'intérieur de notre société de consommation. Elle joue un rôle primordial dans la distribution des biens de grande consommation. Si au départ elle constituait une information du consommateur, elle est devenue très vite un outil de manipulation mentale du consommateur.

Un pêcheur est avant tout un Homme. Il est donc intelligent. Il utilise son intelligence pour tromper le poisson qui, lui, est un animal théoriquement dépourvu d'intelligence, donc incapable de voir en l'appât accroché à un hameçon autre chose qu'une proie alimentaire. Il mord à l'hameçon en même temps qu'il mord à la proie… et le voilà mort et cuit, dans l'assiette du pêcheur qui saura, de surcroît, manger sa chair et jeter ses arêtes.

Comment ne pas voir dans les protagonistes de la société de consommation ceux qui sont "le pêcheur" et ceux qui sont "le poisson" ? Oh bien sûr, le "poisson" de la société de consommation ne meurt pas à chaque fois qu'il mord à l'hameçon; l'industriel "pêcheur" est suffisamment intelligent pour préserver la vie du "poisson" qui pourra ainsi mordre à une multitude d'appâts successifs. Le "pêcheur" s'avérera même assez intelligent pour que l'appât procure un réel bien-être instantané au "poisson".

Comment le "pêcheur" peut-il présenter son produit comme source de bien-être avant même qu'il soit en circulation, comme c'est le cas lors du lancement d'un nouveau produit, donc encore inconnu? Il fait ce que tout pêcheur sait faire: Avant la pêche il appâte sans hameçon, gratuitement, en jetant l'appât dans l'eau, par poignées, parfois plusieurs heures avant de lancer son premier hameçon, afin de faire venir le poisson. Le poisson n'est peut-être pas intelligent mais il sait communiquer (tous les poissons ne sont pas muets comme des carpes !) Et de fait, le poisson, même les carpes, rappliquent.

Métaphore ironique, direz-vous? Les exemples ne manquent pas: Les fabricants de pellicule photos n'ont-ils pas offert des appareils jetables pour vendre de la pellicule? Certains téléphones portables ne sont-ils pas offerts pour vendre de la communication? Certaines communications elles-mêmes ne sont-elles pas gratuites un certain temps? Ne voit-on pas fleurir les offres "Internet Free"? Certaines offres de gratuité ne sont-elles pas assorties de "potions" publicitaires? Et bien sûr, pour faire bonne mesure, la publicité ne montre que des gens hyper satisfaits du produit qui est à vendre. Cherchez la véritable différence entre ces situations et celle du pêcheur qui appâte le poisson qui mord!

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Téléphonie, Internet et réseaux sociaux


En ce début de siècle, ces trois medias sont devenus indissociables et se développent à une vitesse exponentielle.

En 1805, l'ingénieur Chappe inventait le télégraphe aérien fonctionnant sur la base de signaux visibles. C'est le même principe mais un peu plus évolué que le mode de communication par nuages de fumée, prêté aux indiens dans les bandes dessinées des années cinquante.

Après être passée par le téléphone filaire, nécessitant l'intervention d'une opératrice pour connecter l'appelant à l'appelé, la voix transite maintenant par satellite pour arriver à son destinataire, qui peut d'ailleurs être une machine (répondeur, ordinateur…). Le téléphone, de progrès qu'il était dans le domaine de la communication, pour gagner du temps et même pour sauver des vies en appelant du secours (médecin, vétérinaire), pour gagner du temps en évitant les déplacements, donc de progrès qu'il représentait en sécurité et en confort, en accroissement de liberté, est actuellement rendu au stade pervers d'aliénation de la liberté avec l'avènement du téléphone dit "portable".

Le téléphone peut être un excellent outil: il peut sauver des vies en permettant de signaler, bien plus rapidement que par n'importe quel autre moyen, un accident, un malaise, un danger, une avarie… Il peut constituer un moyen efficace et immédiat de communication, à la seule condition qu'il soit utilisé pour cela et non pour frimer, espionner ou esquiver les relations réelles. Le téléphone portable est devenu un des moyens de gratification. La sensation d'être joignable à tout instant est de nature à valoriser l'ego et à se croire important. "Allô, t'es où ? qu'est-ce tu fais? Ah bon, eh ben moi j'arrive dans cinq minutes, ciao!"

Internet est pour le citoyen lambda, jusque là inconnu et anonyme, un moyen de quitter le monde ordinaire (en anglais "drop out") pour le monde de la lumière - et pourquoi pas - de la célébrité. Sur internet on peut tout dire, tout entendre, tout voir, sans avoir de compte à rendre à personne. Les nouvelles technologies en général, et internet en particulier, sont associées aux idées de liberté, d'emploi, de démocratie, de richesse, de savoir. Comme le téléphone, il permet, certes, l'abolition des distances, mais les promesses de la toile vont bien au-delà. Le "village global" envisagé par Marshall MacLuhan, l'un des thuriféraires (plus ardents promoteurs) d'internet, promettait l'abolition des frontières, tant géographiques que politiques ou culturelles, et l'abolition du temps, puisque tout se passe désormais en temps réel, présent, immédiat. Selon MacLuhan Internet apportera un supplément d'intelligence et donnera à chaque individu la possibilité d'exister, d'interagir avec n'importe quel autre groupe planétaire, renforcera l'autonomie et l'indépendance des citoyens, assurera l'accès à la connaissance… bref, internet sera la nouvelle religion pour l'Homme du deuxième millénaire. L'Homme ayant été chassé du "centre du monde" par la théorie de l'évolution de Darwin, internet lui donne l'opportunité de reconquérir ce privilège en devenant le centre du "Verbe" par l'entremise de la toile planétaire: le Web.

Les réseaux sociaux sont apparus presque aussitôt: Facebook, Instagramm, Twitter, Messenger, Whatsapp, Viber, Snapchat, Tik Tok... En un instant, tout le monde s'est mis à communiquer avec tout le monde, d'un bout de la planète à l'autre, sans se connaître autrement que par un "profil" virtuel.

Les réseaux sociaux permettent-ils plus... ou moins de culture ?

Internet est présenté comme inéluctable tout comme l'était, en son temps, l'arrivée de l'électricité. Présenté comme l'outil le plus innovant, le plus porteur d'avenir, le plus incontournable et le plus fascinant du 21° siècle, il a déferlé sur le monde entier sans provoquer de débat de société comme l'avait fait l'avènement du nucléaire.

Pourtant, l'utilisation d'internet ne garantit pas un accroissement automatique du savoir des connectés. Une part importante du trafic sur internet concerne le cybersexe...!

Par ailleurs, l'utilisation d'internet, s'il accroît les relations virtuelles avec des interlocuteurs dispersés aux quatre coins du monde, réduit les relations sociales du monde réel. On peut se demander quel est l'intérêt de converser avec des individus du bout du monde alors que l'internaute converse si peu avec son voisin de palier; et aussi ce que deviendraient ces relations si les interlocuteurs virtuels se connaissaient réellement.

En outre, il faut être conscient qu'internet et les réseaux sociaux sont un moyen super efficace pour détecter nos besoins, nos désirs, nos penchants, nos travers, nos secrets... A chaque connexion, les fameux "cookies", ces petits programmes présentés comme utiles et inoffensifs, affinent notre profil et notre personnalité.

On peut enfin se poser la question de la possibilité de manipulation mentale des individus déjà fragiles qui cherchent dans internet une échappatoire à leur condition. Puisque tout y est possible, les manipulateurs de tout poil, y compris les sectes, n'ont aucune raison de se priver...

 

Trop d'information tue l'information

 

Ayant passé en revue les principaux moyens de communication, nous constatons que les vecteurs d'information ne manquent pas. Le cerveau humain est-il capable d'ingurgiter toute la masse d'information qu'il reçoit, et que se passe-t-il en cas d'over-dose ?

Prenons un exemple : celui de la psychose provoquée par la "crise du COVID". Constatons d'abord que cette crise s'ajoute à la perte de confiance des citoyens en leurs institutions, à la prise de conscience de la malbouffe et de la destruction progressive de la Planète.
Constatons encore que les média font leurs choux gras du sujet, et ne parlent plus que de COVID depuis plus de deux ans, bien plus préoccupés par "l'émotion vendable" que par la recherche des vraies questions et des vraies réponses à la pandémie.
Nous avons là les ingrédients majeurs pour faire prendre la mayonnaise de la psychose.

Ajoutez à cela la multiplication sur les plateaux télé des soi-disant experts, plus intéressés par leur notoriété que par la recherche de la vérité, qui déversent une masse d'informations souvent contradictoires et surtout invérifiables par le citoyen. Ajoutez encore les directives tout aussi contradictoires des politiques. Nous aboutissons à une over-dose d'information qui, loin d'éclairer, finit par embrouiller les esprits, tuer l'information vraie et favoriser l'émergence de regrettables constructions complotistes.

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