Changer de bocal

Changer de bocal pour
Changer la société

 

Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir "changer de bocal".

 


Le scénario des révoltes ressemblent au scénario des incendies: Une sécheresse intense et persistante développe les conditions favorables... sans heurts... sans bruit. Au fur et à mesure que la sécheresse perdure, monte une tension sourde... la peur du feu! Mais les autorités répètent que la situation est sous contrôle... et brusquement, une simple étincelle, insignifiante, insoupçonnée, met le feu au poudres... des centaines, des milliers d'hectares s'embrasent. Des centaines, des milliers de "pompiers de l'ordre" sont aussitôt mobilisés... réprimant férocement l'incendie ... jusquà extinction...

 

Depuis le début de ce siècle, des soulèvements populaires ont lieu, dans de nombreux pays. Ils ont pour point commun la perte de confiance dans les systèmes politiques. Partout les politiciens sont corrompus, partout éclatent les scandales et les "affaires".

Avec l'avènement d'internet l'information circule. Elle se répand comme le feu dans une trainée de poudre. Elle échappe aux medias traditionnels (radio, télé, journaux). Elle est de moins en moins conforme à l'information officielle et donc de moins en moins efficace pour "formater" les esprits au moule des pouvoirs.

Les citoyens ne se contentent plus d'avaler et digérer telle quelle l'information traditionnelle. Désormais on ne l'attend même plus; on va la chercher et on la partage. Désormais elle se compare, elle s'analyse, se jauge et... se juge!

La parole du pouvoir, tout comme celle des scientifiques et des "experts" est entâchée de doute. Même celle des syndicats et des partis politiques ne porte plus. Les opinions se forgent désormais en dehors des canaux traditionnels.

Désormais les citoyens puisent l'information au supermarché des réseaux dits sociaux. Les esprits s'échauffent avec les millions de likes et de tweetts qui poussent à rejoindre les camarades de la toile pour une manif de rue... inopinée... et, le plus souvent, sans cadre organisationnel préalable.

C'est la révolte spontanée, généralement non violente à ses débuts. Faute d'être entendue, elle se montre capable de durer, de résister et... de se transformer en une version plus massive, plus dure, plus violente.

Toutes les révoltes ont pour points communs: la dénonciation des inégalités, de la corruption, de la fausse démocratie et le rejet des élites.

Partout on veut "changer de bocal" !

 

Hong Kong

Le contexte

Avant 1997, Hong Kong n’est qu’une colonie britannique située au sud de la Chine. Elle ne connait ni élections ni aucune forme de démocratie.

Rétrocédée à Pékin en 1997, Hong Kong bénéficie d’un régime spécifique: elle possède sa propre monnaie (le dollar hongkongais) et jouit de certaines libertés inconnues en Chine continentale. Ce statut est, en principe, garanti jusqu’en 2047.

Le feu aux poudres

En 2014 le "mouvement des parapluies" (ainsi nommée en raison de l'utilisation de parapluies par les manifestants pour se protéger des gaz lacrymogènes) réclame le suffrage universel. Les Hongkongais accusent le gouvernement central chinois de vouloir mettre le territoire au pas avant l'échéance de 2047.

Fin avril 2019, le gouvernement pro-Pékin met le feu aux poudres en annonçant un projet de loi permettant l'extradition des opposants vers la Chine continentale.

Le 9 juin 2019, près d'un million de Hongkongais descendent dans la rue pour demander le retrait de ce projet de loi. Depuis, Hong Kong est secouée par des manifestations massives contre le pouvoir et pour la démocratie.

Les raisons profondes

A Hong Kong les différences sont énormes entre riches et pauvres. La ville est célèbre pour ses gratte-ciel et ses centres commerciaux luxueux, et pour héberger les plus riches du monde. Mais on sait moins que la moitié de sa population vit dans des HLM surpeuplés.

Un cinquième de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté. Il n’y a pas de salaire minimum. Plus de 170 000 travailleurs pauvres vivent dans des appartements divisés en sortes de cages. Selon Arrêt sur Info "chacune de ces cages pour chien mesure deux mètres de long, 1 mètre de large et 1 mètre de haut, et une pièce en comporte trente".

La population réclame une véritable démocratie, l'instauration du suffrage universel, les garantie des libertés fondamentales, un état de droit et la séparation des pouvoirs.

Où en est-on?

Après une semaine de manifestations et blocages, Carrie Lam (cheffe de l’exécutif) "suspend" le projet d'extradition.

Forts de leur succès, les manifestants réclament désormais le retrait pur et simple du projet (et pas seulement sa suspension), la démission de Carrie Lam et l’élection de son successeur au suffrage universel, au lieu de sa désignation par Pékin comme c’est le cas actuellement. Ils dénoncent également le recul des libertés et l'ingérence de la Chine dans les affaires intérieures du pays.

Fin octobre 2019. Les manifestations non-violentes ont cédé la place à des heurts très violents entre forces de l'ordre et manifestants.

24 novembre 2019. Elections aux conseils de district: les candidats pro-démocratie infligent un camouflet aux autorités pro-chinoises en raflant 388 des 452 sièges , soit 86%, aux conseils de district. Une éclatante démonstration de démocratie non-violente et un scénario inimaginable il y a quelques mois encore.

 

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Chili

Le contexte

Depuis la chute du régime dictatorial de Pinochet, le Chili a connu une période de prospérité économique. Le pays est souvent présenté comme un modèle de réussite économique en Amérique latine.

Cependant, malgré cette prospérité économique, aucune politique de redistribution n'a été mise en place. Ce qui fait du Chili, sur le plan intérieur, le champion des inégalités, titre qu'il partage avec le Brésil.

Le feu aux poudres

Janvier 2019: première hausse du prix des tickets de métro à Santiago (3 millions de personnes transportées par jour), suivie d'une deuxième hausse en octobre 2019.

Les raisons profondes

Le président chilien conservateur, Sebastian Piñera, a suspendu cette augmentation le 19 octobre mais n'a pas calmé les manifestations car le malaise est bien plus profond.

Les Chiliens sont en colère face aux inégalités: la santé, l'éducation, l'accès à l'eau et à l'électricité... sont aux mains du secteur privé. Ce qui amène les révoltés à s'attaquer aux symboles de la société de consommation.

Où en est-on?

Fin octobre 2019:

L'état d'urgence a été décrété dans la capitale et dans neuf autres des 16 régions du pays.

Des pillages se déroulent dans les supermarchés et les usines de vêtements entraînant des incendies et des victimes.

Le président chilien a affirmé le 20.10.2019: "Nous sommes en guerre contre un ennemi puissant, implacable, qui ne respecte rien ni personne et qui est prêt à faire usage de la violence et de la délinquance sans aucune limite".

Il a fait déployer 10 000 policiers et soldats. Du jamais vu depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet.

Sources: Franceinfo, Le Monde .

 

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Liban

Le contexte

Près de 30 ans après la fin de la guerre civile (1975-1990), le Liban est toujours en pénurie chronique d'électricité et d'eau potable et miné par les crises politiques à répétition.

La dette publique culmine à plus de 150 % du PIB, troisième taux le plus élevé au monde après le Japon et la Grèce.

A la corruption endémique et au quasi chaos, s'ajoutent les répercussions économiques de la guerre en Syrie voisine depuis 2011.

Le feu aux poudres

Tout est parti d'une nouvelle taxe sur les messageries (WhatsApp et Viber) qui a poussé des milliers de manifestants à défiler. Les rues de Beyrouth sont aujourd'hui embrasées.

Les raisons profondes

Malgré le recul des autorités, les manifestants demandent désormais la démission du gouvernement Hariri. Ils dénoncent plus généralement

  • le faible pouvoir d'achat, la vie est chère et les taxes galopantes
  • un pays aux infrastructures en déliquescence sur fond de crise économique
  • la corruption et le clientélisme
  • le ras-le-bol d'une classe politique accusée d'affairisme.

Où en est-on?

Après six jours de rassemblements et malgré l'annonce de réformes économiques d'urgence de la part de l'exécutif, rien ne réussit à calmer les esprits: mesures contre la corruption, promesse de ne plus créer de nouveaux impôts ou aides en faveur des plus défavorisés n'apaisent pas la colère de la rue.


Des policiers anti-émeute et des manifestants se faisant face, dans le centre-ville de Beyrouth, le 18 octobre 2019. Photo REUTERS/Mohamed Azakir.

Sources: Lorientlejour, Le point.

 

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Catalogne

Le contexte

Province espagnole, la Catalogne bénéficie d'un statut d'autonomie depuis 1979.

Cela ne veut pas dire que le gouvernement catalan, ni le parlement de Catalogne, puissent agir indépendamment de l’Espagne. L’Etat Espagnol garde toujours la maîtrise des actions politiques de la Catalogne et n’hésite pas à recourir au tribunal constitutionnel pour annuler des lois votées par le parlement catalan.

Le statut d'autonomie qui a été confirmé le 9 août 2006, est pourtant vidé de sa substance en 2010: La Catalogne n’est plus une nation mais une simple région d’Espagne.

Le 9 novembre 2014 une grande consultation populaire catalane dira OUI à plus de 80% pour que la Catalogne devienne un état indépendant. En vain...

En septembre 2017 les Catalans décident d'organiser, toujours contre l'assentiment du gouvernement espagnol, un nouveau référendum populaire pour ou contre l'autodétermination du peuple Catalan. La réponse du gouvernement espagnol est cinglante: Fin de facto de l’autonomie du gouvernement catalan. Placement en garde à vue de la moitié des responsables du ministère de l’économie catalan. Exil en Belgique du président Carles Puigdemont.

Le feu aux poudres

14.10.2019: Neuf leaders indépendantistes catalans sont condamnés à des peines de 9 à 13 ans de prison pour sédition, malversation de fonds publics et désobéissance, en raison de la tentative illégale de sécession de la Catalogne, en octobre 2017.
La Catalogne s'embrase aussitôt.

Les raisons profondes

Le non respect par l'Espagne du statut d'autonomie pourtant accordé à la Catalogne.

Où en est-on?


Manifestation monstre le 26.10.2019 à Barcelone pour l'indépendance de la Catalogne et contre la répression.

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Algérie

Le contexte

Depuis le 16 février 2019 ont lieu une série de manifestations pour protester contre la candidature d'Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat présidentiel.

Le feu aux poudres

18 septembre 2019: Un adolescent de 15 ans, en mobylette, meurt après avoir été percuté par une voiture de police lors d’une course-poursuite.
Des centaines de jeunes se mobilisent spontanément. Deux autres personnes sont tuées lors d’affrontements avec les forces de l’ordre dans la ville d’Oued Rhiou.

Les raisons profondes

Les Algériens réclament le démantèlement du "système" au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1962.

Ils réclament

  • le départ des dignitaires du régime, notamment parce que ceux-ci organisent le prochain scrutin avec les candidatures de notables et despotes du régime,
  • et la mise en place d'une Deuxième République.

De façon plus générale, ils appellent à un régime réellement démocratique et à une société moins corrompue.

Où en est-on?

Un mouvement de contestation s'est installé avec des manifestations chaque semaine depuis février 2019 pour réclamer le démantèlement du système au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1962.

D'une ampleur inédite depuis des décennies, ces manifestations ont lieu essentiellement les vendredis (et mardis pour les étudiants) dans plusieurs villes du pays. Les affrontements font des dizaines de blessés et donnent lieu à autant d'arrestations.

Les manifestants ont conduit à la démission de Bouteflika le 2 avril 2019, et à son remplacement par Abdelkader Bensalah.

Le 08.09.2019 le chef de l'État par intérim Abdelkader Bensalah convoque des élections pour le 12 décembre 2019.

Le 15.10.2019, des dizaines de milliers de personnes participent à une marche, s'opposant aux élections telles que prévues. Le général Gaïd Salah menace de poursuites ceux qui tenteraient de perturber la tenue du scrutin ou d'inciter les votants à le boycotter.


Alger - 17.09.2019 - manifestation dite du "vendredire"

Le 01.11.2019, 37ème vendredi de manifestation: 65 ans jour pour jour après le début de la lutte armée contre le colonisateur français, une marée humaine envahit pacifiquement les rues d'Alger pour réclamer le démantèlement du régime et une "Nouvelle Révolution".

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Haïti

Le contexte

Les manifestations ont commencé à la suite de rapports de tribunaux selon lesquels de hauts responsables du gouvernement haïtien auraient utilisé frauduleusement jusqu'à 3,8 milliards de dollars d'emprunts du programme vénézuélien Petrocaribe et que le président Moïse serait impliqué dans des affaires de corruption (de même que quinze anciens ministres et hauts fonctionnaires, dont deux ex-chefs du gouvernement). Des entreprises de Jovenel Moïse sont épinglées comme étant au cœur d’un stratagème de détournement de fonds.

Le feu aux poudres

Le PetroCaribe est un programme d’aide imaginé par le président vénézuélien, Hugo Chavez, à destination des pays des Caraïbes et d’Amérique centrale.

Plus de dix ans après le début du programme, le 14 août 2018, le cinéaste haïtien Gilbert Mirambeau Junior, publie sur son compte Twitter une photo de lui, les yeux bandés, tenant une pancarte qui interpelle le président haïtien: "Que sont devenus les 4 milliards de ce programme?". Dix jours après la publication du message, le mouvement des PetroCaribeChallenger dépasse le fil des réseaux sociaux pour investir la rue.

Les raisons profondes

La colère de la population est inhérente à

  • La situation économique, et notamment l'augmentation du coût de la vie.
  • L'insécurité alimentaire et la situation sanitaire qui tend à se détériorer en raison de la pénurie d’essence, rendant les hôpitaux de moins en moins opérationnels.
  • Une hausse jusqu’à 50 % des prix des carburants.
  • La corruption des dirigeants politiques.

Où en est-on?

La majorité des manifestants sont issus des quartiers les plus pauvres.

Dès le début des manifestations, les manifestants ont pris pour cible les véhicules de luxe de riches Haïtiens, et jeté des pierres sur la maison du président Moïse.

Le 12 février, les manifestants ont incendié un marché populaire, pillé plusieurs magasins et participé à une évasion de prison entraînant la libération de tous ses prisonniers.

Le 14 février, le président Moïse s'est adressé au pays, affirmant qu'il ne se retirerait pas.

Le 11 juin, les manifestations reprennent et font deux morts.

Au 22 octobre 2019, 77 personnes ont été tuées au cours des manifestations.

 

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Irak

Le contexte

L'Irak est un riche pays pétrolier en pénurie chronique d'électricité et d'eau potable et, surtout, miné par la corruption.

Depuis la chute de la dictature de Saddam Hussein en 2003, la corruption des responsables politiques a conduit à la faillite de tout le système de gouvernement.

Le feu aux poudres

Le soulèvement populaire a été déclenché spontanément le 1er octobre 2019 par des appels sur les réseaux sociaux à dénoncer la corruption.

Les raisons profondes

Cette explosion sociale est inédite parce qu’elle semble spontanée, et non téléguidée par des intérêts politiques ou religieux. Comme lors des soulèvements populaires du printemps arabe de 2011, et depuis ailleurs dans le monde, la révolte s’est propagée via les réseaux sociaux.

Les manifestants réclament un changement de régime dont ils dénoncent

  • Le chômage,
  • La misère,
  • L’absence de services publics de base: pénuries d’électricité et d’eau: C’est invivable dans les villes, l’été, où il fait entre 40 et 45°C.
  • Et surtout la corruption généralisée: On estime que plus 360 milliards d’euros ont été détournés en quinze ans du budget de l’État.

Un slogan récurrent; "Soit on meurt, soit on change le régime"

Où en est-on?

Le Régime a coupé internet et fait tirer à balles réelles sur les manifestants.

Selon Le Figaro du 22.10.2019 "le bilan de la semaine de contestation antigouvernementale qui a secoué Bagdad et le sud de l'Irak atteint 157 morts".
40 nouveaux morts le vendredi 25.10.2019.
Un total de 250 morts au 1.11.2019 selon France info.


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