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Changer la société

La société que nous vivons

 

La Constitution de la République

Une société structurée définit des règles de fonctionnement que chacun doit respecter. Ces règles sont écrites pour pouvoir servir de référence. La nature de ces règles et leur mode d'application définit le régime politique de la société. Dans la société, dite démocratique, que nous vivons, le texte de référence contenant ces règles est la Constitution.

Lire le texte de la constitution, le comprendre, l'analyser, le critiquer est un exercice que chacun devrait faire pour comprendre comment nous sommes censés être gouvernés, et surtout pour commencer à comprendre comment nous sommes réellement gouvernés. C'est donc aussi comprendre pourquoi il y a tant d'anomalies, tant d'anormalités dans son application.

Accès au texte intégral de la Constitution Française

 

1. Une constitution pour quoi?

La Constitution est le texte fondateur de la République.

Elle définit le principe de la république comme étant le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Elle sert de référence au fonctionnement des différentes institutions.

La Constitution définit et met en place

  • le pouvoir législatif (Assemblée nationale et Sénat),
  • le pouvoir exécutif (Chef de l'Etat et gouvernement) et
  • le pouvoir judiciaire (Tribunaux, police...).

Elle fonde également un Conseil Constitutionnel dont le rôle est de veiller à ce que les institutions (en particulier le pouvoir législatif) fonctionnent en parfaite conformité avec la Constitution.

La première constitution française est née en septembre 1791 avec la Révolution. Votée par l'assemblée nationale constituante elle installe la monarchie constitutionnelle.

Son préambule contient la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

La Constitution a été amendée de nombreuses fois depuis. Sa version de 1958 a donné naissance à la 5ème République.

Venons-en maintenant à l'examen de la constitution elle-même.

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2. Critique de la Constitution

Première chose à savoir:
Contrairement aux idées reçues, la révolution de 1791 n'a pas donné le droit de vote au peuple, mais seulement à une fraction riche de la population: la fraction imposable au cens. Pour être éligible il faut être encore plus riche.

Le droit de vote (appelé suffrage censitaire) est restreint aux seuls «citoyens actifs»: les hommes de plus de 25 ans payant un impôt direct (le cens). Ces "citoyens actifs" ne représentent qu'une fraction faible de la population (l'aristocratie). Les autres, la très grande majorité, les «citoyens passifs», ne peuvent pas participer aux élections.

 

Art. 1: Elle [La Constitution] assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion.

Chacun sait que tous les citoyens ne sont pas égaux devant la loi. Chacun peut constater tous les jours qu'il y a des riches et des pauvres, que certains ont des droits que d'autres n'ont pas, et que la morale de Jean de La Fontaine est toujours d'actualité: "selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir".

Art. 2: La devise de la République est "Liberté, Égalité, Fraternité".

Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. Pour l'application de ce principe on peut se poser les questions:

Où est le gouvernement par le peuple? Le seul moment où le citoyen pense avoir une parcelle de pouvoir c'est en mettant un bulletin dans l'urne pour élire le Président de la République et les députés.

Mais le Gouvernement? Il est élu le Gouvernement? Non! les membres du gouvernement sont nommés. Pas élus... mais nommés par le Président et le premier ministre, lui-même nommé par le président. Donc ceux qui nous gouvernent ne sont pas ceux que nous avons élus....

Où est le gouvernement pour le peuple? Les nantis ont-ils les mêmes droits (et seulement les mêmes droits) que les moins nantis? Dans le domaine de l'éducation? Dans l'accès à la culture? Dans l'accès à la santé? Dans l'accès à la justice? Dans l'accès au logement? Dans l'accès à la consommation?...

Art. 11: Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement [...] peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation aux services publics qui y concourent...

Il en ressort très nettement que l'initiative d'un référendum n'appartient qu'au seul Président de la République. En aucun cas il ne peut être d'initiative populaire.

Il est important d'avoir conscience que, lorsque nous avons élu le Président de la République cela était tacitement inclus dans notre bulletin de vote. (voir la page consacrée au référendum).

 

Art. 12: Le Président de la République peut prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale.

L'Assemblée Nationale est pourtant l'émanation directe du suffrage universel. Le président de la république est donc habilité à balayer d'un revers de main la totalité des seuls représentants du peuple au niveau national, après une simple formalité consistant à consulter le Premier ministre et les présidents des assemblées. Le président de la République peut donc, par son simple bon vouloir, supprimer d'un seul geste les 577 représentants que le peuple a élu au suffrage dit universel.

 

Art. 16: Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel. [...] L'Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels.

Les rédacteurs de la Constitution en 1958, se souvenant de l'impuissance du président Lebrun à s'opposer aux menées du maréchal Pétain en 1940, ainsi que du coup de force des généraux d'Alger, avaient conçu cet article comme dernier recours pour sauver la démocratie, quittes à accepter le risque d'une dictature provisoire de salut public.

En vertu de cet article de la Constitution, le Président de la République peut décider de son propre chef de s'octroyer les pleins pouvoirs. Car quels sont les critères qui permettent de définir la gravité d'une menace d'atteinte à l'indépendance de la nation? Quels sont les critères qui définissent l'interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics? Quels sont les critères qui définissent les circonstances qui exigent de prendre des mesures? La Constitution ne les définit pas. Elle laisse le Président décider. Elle donne au Président la possibilité de s'octroyer le plein exercice des pouvoirs régaliens: les pouvoirs que s'octroyaient jadis les rois.

Les garde-fous prévus: [...] consultation officielle du Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel ne constituent pas véritablement des contraintes et le Conseil constitutionnel ne peut mettre fin aux pouvoirs exceptionnels.

Avec cet article 16 nous ne sommes pas à l'abri d'un abus de pouvoir:

  • Imaginons un seul instant le simple fait de perdre la majorité à l'Assemblée. Cela pourrait constituer un motif suffisant pour qu'un Président de mauvaise foi, prétextant le blocage des institutions, invoque l'article 16 pour nommer un gouvernement de minorité.

  • Imaginons un seul instant une population qui se soulève contre la politique du gouvernement, qui se traduise par une grève généralisée et un blocage de l'économie du pays. L'art. 16 de la Constitution permet au Président d'ordonner à l'armée de mater la population soulevée... Comme cela s'est passé lors des "révolutions" arabes des années 2010-2011.

Au cours de la V° république cette possibilité n'a été que partiellement utilisée par de Gaulle en 1961 après le putsch des généraux à Alger, puis en mai 1968. Il n'empêche qu'il s'agit d'une possibilité dangereuse qui ne dépend que de la personnalité même du Président de la République.

Aujourd'hui, à l'heure où l'opinion se laisse tenter par un libéralisme débridé, il est très dangereux de conserver une telle bombe à retardement qui pourrait servir de vernis de légalité aux apprentis dictateurs, plus soucieux de leur pouvoir et intérêts personnels que de véritable démocratie.

Autour de nous, dans aucune des grandes démocraties européennes un tel article n'existe: ni en Allemagne, ni en Grande Bretagne, ni en Italie.

Cette disposition constitutionnelle est à rapprocher de l'état d'urgence et de l'état de siège (cf Art. 36).

Art. 27: Tout mandat impératif est nul.

Un mandat impératif est un mandat donné à un mandataire (député, sénateur,...) par un mandant (électeur) pour une mission parfaitement définie et le mandataire doit rendre des comptes à ses mandants. Dans le système représentatif (celui que nous vivons) un député ou un sénateur, une fois élu peut faire ce que bon lui semble et n'a aucun compte à rendre à ses électeurs. Il serait bon que chaque citoyen le sache au moment de mettre son bulletin dans l'urne! On se demande d'ailleurs pourquoi les candidats aux élections continuent à présenter un programme à leurs électeurs puisqu'ils ne sont aucunement tenus de le respecter!

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Art. 34-1: Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique. Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l'ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu'elles contiennent des injonctions à son égard.

Donc, le gouvernement ne peut pas être critiqué et sa responsabilité ne peut être mise en cause!

Art. 35: La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement. Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote.

Voila une disposition pour le moins ambiguë. La première phrase suppose que le Parlement soit appelé à donner son autorisation. Disposition aussitôt contredite par la phrase suivante suivante qui stipule que le Parlement a tout juste à être informé, et celà même après engagement des forces armées depuis 3 jours. Pire encore, le Parlement peut éventuellement débattre mais, quoi qu'il en soit, on n'en tiendra aucun compte puisqu'il n'est pas autorisé à s'exprimer par un vote!

Le parlement est donc censé autoriser d'office une déclaration de guerre (qui peut déjà être effective) puis blablater mais pas décider! Autrement dit le citoyen peut élire des représentants, mais ceux-ci seront baillonnés... Drôle de démocratie quand même!

Art. 49.1: Le Premier ministre, après délibération du conseil des ministres, engage devant l'Assemblée nationale la responsabilité du Gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale.

Cette disposition était louable à son origine puisque, parée des apparences démocratiques, elle visait à présenter le programme de gouvernement aux élus du peuple, et à le faire avaliser ... ou à contrario à le rejeter par une motion de censure.

Or, elle n'a pratiquement jamais été appliquée depuis l'élection présidentielle de 1965, comme après les élections législatives de 1967 où Georges Pompidou présentera son programme sous la forme d'une simple déclaration suivie d'un débat sans vote, et donc sans engagement de responsabilité. Depuis, l'application de cette disposition est devenue "facultative" !!!

Art. 49-2: L'Assemblée nationale met en cause la responsabilité du Gouvernement par le vote d'une motion de censure. Une telle motion n'est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu'à la majorité des membres composant l'Assemblée. Sauf dans le cas prévu à l'alinéa ci-dessous, un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d'une même session ordinaire et de plus d'une au cours d'une même session extraordinaire.

Art. 49-3: Le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session.

Lorsque l'Assemblée est en désaccord avec le gouvernement, l'Assemblée peut donc théoriquement renverser ce gouvernement. Théoriquement seulement car dans l'histoire de la V° République cela ne s'est produit qu'une seule fois sur plus de 100 tentatives ! Et encore ce renversement a été sans effet, voici les faits.

Nous sommes fin septembre 1962. De Gaulle, président de la république veut organiser un référendum pour que les futures élections du président de la république se déroulent désormais au suffrage universel direct et non plus via un collège de grands électeurs comme la Constitution le prévoyait depuis 1958. Les députés se sentant, par cette éventualité, dépossédés de leur pouvoir et de leurs prérogatives utilisent l'article 49.2 pour censurer le gouvernement Pompidou en poste depuis 6 mois seulement et obtiennent facilement la majorité requise. Pompidou démissionne donc comme le prévoit la constitution. Mais De Gaulle fait à son tour usage de l'article 12 de la constitution et dissout l'assemblée. Il convoque de nouvelles élections législatives qui se concluent par une large victoire gaulliste. C'est le retour à la case départ: De Gaulle renomme Pompidou premier ministre! Ayant récupéré les mains libres il organise le référendum dès octobre et le oui l'emporte à 62%.

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3. Moralité et conclusions:

La Constitution, malgré l'apparente solidité de sa construction, permet tout et son contraire comme on vient de le voir: le renversement du gouvernement et sa restauration tel quel; étonnant non?

3.1- La Constitution donne à l'Assemblée nationale des pouvoirs qu'elle n'a que sur le papier.

Le bulletin de vote, auquel le citoyen croit conférer un pouvoir décisionnaire, n'est en réalité qu'un simple bout de papier vide de tout pouvoir. Puisqu'en effet, c'est le peuple (en principe) qui avait élu l'assemblée nationale en place en 1962. Les députés, censés représenter le peuple, renversent un gouvernement. Le même gouvernement est remis en place via de nouvelles élections!

Un peuple qui remet en place ceux-là même dont il conteste l'action? Il doit y avoir un problème quelquepart non?

3.2- L'Assemblée nationale représente ses propres intérêts bien plus que les intérêts du peuple.

C'est bien parce que De Gaulle était conscient de cela qu'il pouvait se permettre de dissoudre l'Assemblée sans être désavoué par le peuple.

Mais ce qui est bien plus étonnant c'est que le peuple ayant élu une nouvelle assemblée, se trouve aussitôt dépossédé de son pouvoir puisque De Gaulle rétablit Pompidou et son gouvernement. A l'évidence...

a) Les électeurs auraient grand intérêt à lire la totalité du contrat et les clauses qui sont tacitement incluses dans leur bulletin de vote.

b) ... le pouvoir est décidément ailleurs que dans les urnes.

 

Comment changer la Constitution?

Le système politique

 

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