Changer de bocal pour
Changer la société



Edito

Par Anicet Le Marre
31.10.2022

La guerre de l'eau est déclarée

 

Constat: Le changement climatique engendre des désordres dans la distribution naturelle de l'eau. La pluviométrie n'a plus la stabilité (tant géographique que temporelle et volumétrique) qu'on lui connaissait naguère. Les périodes sèches sont plus longues, épuisent les réserves des nappes phréatiques et favorisent les méga incendies. Les pluies, lorsqu'elles arrivent, sont diluviennes et de plus en plus dévastratrices. Les prévisions météorologiques agricoles deviennent très aléatoires.

Dans ces conditions, le maintien des rendements agricoles passe par le recours obligatoire et massif à l'irrigation. Or les agriculteurs ne sont pas les seuls à avoir besoin d'eau en période sèche. Les industries, notamment agro-alimentaires, sont en concurrence ainsi que la population.

D'où l'idée très technocratique de créer des méga réserves en période humide pour irriguer en période sèche: Ce sont les fameuses "bassines" pouvant stocker à ciel ouvert jusqu'à un million de M3 d'eau chacune. Et ces bassines se multiplient sur tout le territoire agricole.


La Mega bassine de Ste Soline (79) est devenue le symbole de la lutte écologiste contre l'agriculture industrielle.

Problème: L'eau est pompée dans les nappes phréatiques au bénéfice d'une minorité et réduit d'autant l'eau disponible pour la population générale. Et encore on ne compte pas les pertes par évaporation pendant le stockage, ni les coûts d'infrastructure et de pompage qui, immanquablement, ont une répercussion sur le panier du consommateur (achat de viande notamment). Or l'eau est un bien commun que nul ne peut s'accaparer. D'où la multiplication des conflits entre les agriculteurs irriguants et les "anti- bassines".

Question 1: Au lieu de vouloir à tout prix conserver les rendements des cultures aquavores comme le maïs et les céréales destinées à l'alimentation animale, pourquoi l'INRAE Institut National de la Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement et les pouvoirs publics n'orientent-ils pas la recherche en direction de cultures plus sobres et/ou destinées à l'alimentation humaine directe?

Question 2: Pourquoi continuer à soutenir, quoiqu'il en coûte, les cultures destinées à l'alimentation animale alors que tous les experts s'accordent sur le fait qu'il faudrait manger moins de viande, à la fois pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et pour une meilleure santé humaine?

Question 3: Comment l'Etat peut-il se justifier de défendre, y compris par la force publique massive, les intérêts privés d'une minorité contre l'intérêt général de la population?

Question 4: Comment l'Etat peut-il tenir le double discours consistant d'une part à proner un engagement vertueux dans la lutte contre le réchauffement climatique et d'autre part défendre et promouvoir un système d'agriculture dévastateur de ce même climat?

Question fondamentale: Qui est véritablement à l'origine du manque d'eau et pourquoi?


Réponse: L'homme lui-même en se jetant - parce qu'aveuglé par la propagande - dans l'industrialisation de l'agriculture, ne voyant que son intérêt immédiat sans réflexion sur les conséquences ni sur le futur. C'est ainsi que

  • La mécanisation et l'industrialisation ont imposé l'agrandissement des parcelles jusqu'à perte de vue, par destruction massive des talus et des haies, favorisant ainsi le ruissellement de l'eau au détriment de son infiltration vers les réserves souterraines.
  • La chimie, l'artificialisation à outrance... ont conduit à des modes de cultures ne respectant plus la structure naturelle ni la vie des sols, rendant la terre de plus en plus stérile, compacte et imperméable.
  • Cette industrialisation, nécessite la mise en oeuvre de moyens de culture très énergivores responsables d'une grande partie des rejets de gaz à effet de serre.
  • Le formatage des habitudes alimentaires vers une part de plus en plus importante de viande dans nos assiettes a imposé un élevage industriel et a conduit aux mêmes résultats désastreux sur l'envronnement et le climat.
  • L'objectif de l'agriculture n'est plus de nourrir l'humanité mais de rechercher le profit maximum et immédiat, tout comme dans l'industrie.
  • La finance s'est emparée de l'agriculture, faisant de la très grande majorité des paysans les nouveaux esclaves des banques. Il est très significatif d'observer que la banque de l'agriculture - le crédit dit agricole et dit mutuel - se dispute avec la BNP Paribas la première place des banques françaises et européennes...