Changer de bocal

Changer de bocal
Changer la société

 

Edito

Par Anicet Le Marre
06.12.2021

La conscience civique s'est noyée dans la société de Consommation

 

---- Civisme ------> société de consommation
---
---> égoïsme ------> incivisme...

 

Un groupe social ne peut se maintenir que par la cohésion des individus qui le composent. Le maintien de cette cohésion nécessite l'existence et le respect de règles communes. Le civisme n'est autre que la prise de conscience du bien fondé de ces règles et leur application spontanée et naturelle.

Dans nos sociétés "modernes", bien que les règles soient codifiées dans des lois et des règlements, et bien que police et justice soient chargées de les faire respecter, le civisme n'est pourtant plus la vertu la plus universellement partagée.

  • Laisser son chien aboyer des heures, ou le laisser pisser ou déféquer dans la rue ou chez autrui c'est montrer qu'autrui ne compte plus.
  • Faire des graffitis sur les façades, dans les bus, le métro... c'est dégrader le bien commun.
  • En voiture: se garer à cheval sur deux places, sur les passages pour piétons, griller la priorité, c'est faire preuve d'égoïsme.
  • Ne pas respecter sa place dans une file d'attente c'est mépriser son prochain.
  • L'insolence d'élèves à l’encontre de leurs professeurs est le signe d'une éducation défectueuse en matière de valeurs.
  • Jeter ses mégots de cigarettes, des plastiques, des bouteilles... dans la rue, les jardins publics, sur le bord des routes, sur la plage c'est de l'inconscience doublée d'irresponsabilité.
  • Les feux de forêts sont souvent la conséquence d'une cigarette non éteinte ou d'un geste malveillant.
  • Les décharges sauvages témoignent du crétinisme de leurs auteurs.
  • ... ... ...

 

D'où vient la perte du sens civique?

La société de consommation maximise l'EGO

Les deux principaux "bras armés" de la société de consommation sont la publicité et les médias qui lui servent de vecteur. La société de consommation veut le profit maximum et immédiat. Pour obtenir l'acte d'achat la publicité utilise plusieurs leviers:

L'enfant est devenu la cible, non seulement des produits alimentaires, mais aussi des jeux et de toute la panoplie du matériel numérique qui est nécessaire pour y accéder. Or l'enfant est un cerveau en formation, malléable à souhait. C'est donc "un jeu d'enfant" (sic!) pour la télé et la pub d'y incruster des notions de propriété, d'égo, de domination... d'autant qu'on est entré dans l'ère de l'enfant roi: Il fascine ses parents par sa maîtrise des outils numériques (il est né avec) et obtient la satisfaction de la plupart de ses caprices "pour qu'il ne soit pas moqué - voir harcelé - par ses copains dans la cour de récréation".

Chez l'adulte la publicité exacerbe les instincts primaires comme le sexe, le sentiment de domination, d'être le plus fort ou le meilleur. Et lorsque les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous pour les acquisitions valorisantes, on concentrera les efforts sur le paraître !

Chaque individu essaie de trouver ce qui va le distinguer du troupeau, par une performance, par une originalité, susceptible de concentrer les regards vers son ego. La société de consommation a ainsi réussi à métamorphoser les comportements sociaux de l'individu, par gonflage du "Je" au détriment du "Nous".

La société de déresponsabilisation

Aujourd'hui tout passe par l'argent; tout s'achète et tout se vend. Autrefois le citoyen éliminait ses déchets, nettoyait son trottoir...
Pour ne plus "s'en occuper" il s'en acquitte aujourd'hui par une taxe, une redevance ou ... une assurance. Du coup, il ne s'en sent plus responsable.

Nous vivons désormais dans une société à "irresponsabilité illimitée" dans laquelle une grande majorité d’individus ont délégué à d’autres leurs propres responsabilités:

  • Je ne me préoccupe pas de ma vieillesse, ma caisse de retraite s'en charge.
  • Je n'hésite plus à changer de lunettes, je cotise à une bonne mutuelle.
  • Je n'ai plus besoin de gérer mes comptes, ma banque s'occupe de tout... et elle ne fait jamais d'erreur.
  • Je ne crains plus l'accident depuis que je suis bien assuré. Comme dit une certaine pub: "Zéro tracas, zéro blabla"! Je peux donc conduire en irresponsable.
  • Je ne "fais pas de politique"... j'ai voté pour que des pros le fassent pour moi.

 

Les mauvais exemples donnés par les "représentants" politiques

L'homme ou la femme politique devrait faire preuve de civisme puisqu'il ou elle se dévoue (??), par définition, à la cause publique. Pourtant les exemples ne manquent pas de ceux d'entre eux qui

  • "oublient" de payer leurs impôts,
  • placent leur fortune dans des paradis fiscaux,
  • utilisent l'argent public ou le personnel de l'Etat pour leurs affaires privées,
  • font de fausses déclarations ou présentent de fausses notes de frais...
  • ....

Et, d'une manière très générale, ceux qui font beaucoup de promesses qu'ils ne tiennent pas, ou votent des décisions applicables à l'ensemble des Français... sauf à eux-mêmes.

C'est l'une des raisons majeures du basculement de certains dans l'incivisme qui consiste en une sorte de vengeance qui s'observe notamment au cours des manifestations de rue.
On l'observe aussi dans l'abstention croissante aux consultations électorales.

 

Peut-on retrouver le sens civique?

L'interdit et la coercition ne sont pas les bonnes méthodes.

La répression et les amendes ne suffisent pas. Au contraire, elles incitent à la vengeance et aux actes inciviques... L'éducation civique ne doit pas se faire par la contrainte, ni par la culpabilisation.

L'interdit qui vient d'une puissance supérieure ne peut que se subir, sans contestation, sans discussion. La coercition (qui est l'obligation d'exécuter sous peine de punition) nie la phase de prise de conscience qui est pourtant nécessaire à l'adhésion. De ce fait, il ne reste en tête que la notion négative d'obligation.

Voilà pourquoi l'éducation est bien plus performante que la contrainte. Mais elle nécessite plus de temps pour être assimilée.

Si le citoyen était éduqué aux bonnes pratiques sociales, et habitué à prendre ses responsabilités plutôt qu'éduqué à échapper aux contraintes et aux verbalisations, il n'y aurait plus besoin de décrets d'interdiction.

Le rétablissement de l'éducation civique à l'école, dès la maternelle, est sans aucun doute un bon début. Mais il faut aller bien plus loin. Les parents sont les premiers acteurs de l'éducation. Si l'on veut qu'ils transmettent les bons codes, il faut déjà qu'ils soient eux-mêmes bien "encodés".

Responsabiliser les jeunes en leur confiant des missions. Le but est de vivre la citoyenneté au concret. Exemples:

  • Ramasser des déchets dans son quartier permet de sensibiliser à l'écologie et de réduire, voire de supprimer les abandons de canettes et autres objets sur l'espace public.
  • Un projet d'embellissement du quartier, de la commune, peut se concrétiser par un jardin pépinière pour faire pousser des fleurs qui serviront à l'embellissement.
  • Etablir un service de visites aux personnes âgées, de transport ou d'aide aux courses sera de nature à développer les échanges intergénérations.
  • Place aux propositions et à l'imagination...

Ouvrir les conseils municipaux aux citoyens, non en tant que simples spectateurs, mais en tant que forces de propositions, par la voie de consultations.
Ce type d'action s'avère très positif pour l'engagement dans la gestion de la cité, à la condition expresse ... de tenir réellement compte des propositions qui ont été élaborées.

Voir à ce sujet l'exemple du village de Vandoncourt dans le Doubs (25) dans cette archive vidéo de l'INA.

L'éducation civique devrait être l'apprentissage de la liberté, celle-là même qui s'arrête là où celle des autres commence. Car être libre ce n'est pas faire n'importe quoi; la liberté a ses limites. La prise de conscience de ces limites participe à la construction du civisme.

La principale règle du civisme est le respect
Le civisme est le rapport qu'entretiennent des individus responsables envers la société dans son ensemble. Le civisme c'est d'abord du respect, c'est-à-dire la prise en compte du bien commun autant que du bien personnel.

Le civisme nécessite une "conscience politique" (la chose publique). Il présuppose pour le citoyen la connaissance de ses droits, la connaissance de leurs limites, ainsi que de ses devoirs vis-à-vis de la collectivité. C'est là que réside le bon "encodage".


Il devient plus facile de respecter les bâtiments publics, les services publics, les jardins publics,... si l'on a conscience que nous en avons financé une partie par nos impôts et que toute dégradation revient à se mutiler soi-même. C'est exactement le contraire de phrases malheureuses que l'on entend trop souvent: "c'est pas à nous... donc on peut..."

Outre le respect d'autrui et du bien public, il y a lieu d'ajouter quelques autres règles simples de civilité telles que:

  • la politesse,
  • la courtoisie,
  • le savoir-vivre,
  • l'entraide
  • ....


Graeme Allwright

Qu'as-tu appris à l'école, mon fils
A l'école aujourd'hui?
Qu'as-tu appris à l'école, mon fils
A l'école aujourd'hui?

J'ai appris qu'il n'faut mentir jamais
Qu'il y a des bons et des mauvais
Que je suis libre comme tout le monde
Même si le maître parfois me gronde
C'est ça qu'on m'a dit à l'école, Papa
C'est ça qu'on m'a dit à l'école...